Mandela disait que « même quand la rupture entre nous aura pris des formes extrêmes, j'aimerais vous combattre sur le plan des principes et des idées, sans haine personnelle, et quelle qu'en soit l'issue, pouvoir vous serrer la main avec fierté, parce que j'aurais le sentiment d'avoir eu affaire à un adversaire digne et de droit, qui a observé un code élémentaire d'honneur et de décence ». Ce n'est malheureusement pas le cas en Tunisie, où le printemps tunisien ne correspond décidément pas parfaitement aux jolis rêves de tous les citoyens. Si d'aucuns ont retrouvé le chemin de la liberté, ont quitté les geôles ou sont rentrés au bercail après des dizaines d'années d'exil, pour d'autres, la fuite de Ben Ali a amené les troubadours de l'aurore qui sont venus corser l'atmosphère d'un film d'épouvante à la pointe du jour et troubler leur sommeil de paisibles gens. C'est le cas de l'animateur fétiche Sami Fehri, directeur de la société Cactus Prod et patron de la chaîne de télévision Ettounissia TV, qui a cartonné au mois de Ramadan. Car, force serait de reconnaître que l'homme qui fait l'objet depuis l'avènement de la Révolution de plusieurs décisions de justice, malgré la confiscation de ses biens, la mise sous séquestre de ses sociétés, la descente des brigades douanières dans ses locaux, les multiples procès, l'interdiction de voyager, contrairement à d'autres, n'a jamais pensé à prendre la poudre d'escampette. Pour preuve, il se serait livré de son propre gré à la police hier. «Au moins je pourrais me reposer à l'ombre des cachots », a-t-il confié à une collègue qui a pu le joindre par téléphone quelques heures après avoir été informé de la décision de la chambre d'accusation. En effet, la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Tunis a émis, hier en fin de soirée, un mandat de dépôt contre Sami Fehri. Les charges retenues dans l'acte d'accusation portent sur l'usage illicite des ressources de l'Etablissement de la télévision tunisienne. L'affaire qui a éclaté au grand jour après la fuite de Ben Ali grâce à des plaintes pour usage abusif et malhonnête du pouvoir, d'influence ou d'autorité pour accumuler des fortunes exagérées concerne, en plus de Sami Fehri, l'ancien président de la République, son beau-frère Belhassen Trabelsi, l'ex-conseiller politique de Ben Ali, Abdelwaheb Abdallah, ainsi que plusieurs PDG et hauts responsables à la télévision tunisienne. Dans une déclaration à l'agence TAP, l'avocate de l'accusé, Me Sonia Dahmani, a indiqué que la décision de la Cour d'appel de Tunis « n'a pas respecté les droits de l'accusé qui n'a pas été convoqué, de même que la défense n'a pas été informée, ce qui contrevient aux lois en vigueur ». Ce qui n'a pas empêché quand même le juge d'instruction qui avait clôturé l'enquête dans cette affaire d'émettre un mandat de dépôt à l'encontre de Sami Fehri. Il est à noter que cette décision intervient sur fond de crise suite à la diffusion d'une émission de guignols qui prend pour cible les principaux protagonistes politiques au pouvoir. La chaîne, qui avait cartonné au mois de Ramadan, a réussi à capter un auditoire très important, d'où l'interprétation politique de cet acte juridique et de droit. Le régime en place cherche-t-il à faire main basse sur les médias en Tunisie par le biais des nominations sur la base de l'allégeance ou par l'intimidation sous couvert de lutte contre la corruption ? D'ailleurs, sur le web, les messages dénonçant cet esprit d'acharnement prolifèrent. Les internautes se demandent pourquoi tant de haine à vouloir disqualifier Sami Fehri et montrent du doigt cette façon manichéenne de rejeter en bloc des personnes dont le parcours n'aura pas été aussi catastrophique à part bien sûr ceux qui ont du sang sur les mains. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ? Quels sont les faits nouveaux révélés par l'information et qui sont de nature aggravante de l'infraction déférée au point d'écrouer le patron de cette chaîne ? S'agit-il tout simplement, par cette vacance de poste forcée, d'ouvrir la voie à une nomination d'une personne proche du pouvoir ?