Avec les Rouicha qui se transmettent de père en fils, nous pouvons avancer que la chanson tamazight du Moyen Atlas est entre de bonnes mains. Aussi, Ahmadallah, qui a pris la relève du maître qu'était son père Mohamed, s'inscrit-il dans une tradition musicale qui défie les siècles. Les échos de ses performances sont arrivés jusqu'aux organisateurs de Mûsîqât qui ont décidé de le proposer dans le programme de cette 7e édition. La troupe d'Ahmadallah Rouicha a investi la scène d'Ennejma Ezzahra dans la soirée du 4 octobre. Aussitôt installé, le chanteur et joueur de «loutar» (oud modifié) a salué le public en exprimant l'amour que portent les Marocains au peuple tunisien et en exprimant le souhait que les frontières entre les pays du Maghreb disparaissent un jour. Le public avait différentes nationalités, les Occidentaux défiant l'obstacle de la langue. La troupe d'Ahmadallah Rouicha — natif de la région de Khénifra — se compose de lui-même, de deux joueurs de bendirs et de quatre choristes-danseuses. Ces dernières ont donné une grande dimension au côté visuel du spectacle. En effet, elles étaient habillées de costumes traditionnels aux couleurs du drapeau berbère, et ornées de bijoux. Leurs chorégraphies étaient inspirées des danses de la région dont elles sont originaires. Le tamazight est un dialecte du berbère parlé dans le centre du Maroc, autour du Moyen et du Haut Atlas. Le répertoire de Mohamed Rouicha, repris par son fils, comporte également des chansons en dialecte marocain dont la célèbre « Ennass ennass », interprétée deux fois lors du concert de jeudi dernier. Ces chansons, aux rythmes populaires de la région, parlent d'amour, ainsi que de sujets sociaux et politiques, où les paroliers ont recours à des textes inspirés des dictons reflétant la sagesse locale. Le public a ainsi retrouvé — ou découvert — des mélodies qui lui parlent, et une ambiance typiquement marocaine qui a ravivé, pour certains, de beaux souvenirs. D'ailleurs, la soirée est elle-même à inscrire dans la catégorie des beaux souvenirs. Au bout d'une dizaine de titres présentés lors de cette soirée, où le public a applaudi et même partagé la danse avec les choristes du groupe, le concert a pris fin sous des « bravos » lancés de partout dans la salle. Ahmadallah Rouicha est indiscutablement sur les pas de son père, aidé par les membres de son groupe, dont certains avaient accompagné Mohamed Rouicha. C'est un bel hommage à cet artiste qui nous a quittés en janvier dernier, après près de quarante ans aux services de la chanson populaire tamazight.