Le masque de Gorgone et le Cheval en jade vert, deux des six pièces connues, proviennent d'Algérie et de Chine Parmi les 93 pièces exposées actuellement au musée de Carthage dans le cadre de l'exposition archéologique temporaire «Patrimoine spolié, patrimoine récupéré», 87 pièces sont de provenance inconnue. Parmi les six pièces identifiées qui viennent essentiellement des réserves de l'INP, deux proviennent d'Algérie et de Chine, d'après le catalogue de plus de 100 pages élaboré par le ministère de la Culture. Sous contrôle judiciaire en attendant le parachèvement des procédures légales, la pièce algérienne en question concerne le masque de Gorgone, a confirmé Adnène Louhichi, directeur général de l'Institut national du patrimoine de Tunis (INP). Volée en 1996 du site antique d'Hippone (Annaba) dans l'Est algérien, cette pièce a été retrouvée à Hammamet dans la maison de Sakhr El Materi, gendre de l'ancien président. Authentifiée au mois de mai 2012 par un groupe d'experts algériens du ministère de la Culture en mission en Tunisie, cette pièce volée consiste, selon le descriptif d'Elyès Ghardaddou (université de Jendouba), en un masque colossal d'une Méduse-fontaine murale en marbre blanc. D'une hauteur de 92 centimètres et d'une largeur de 71 cm avec une épaisseur de 46 cm au niveau de la bouche, ce masque date de la deuxième moitié du Ie siècle après JC, selon les indices de la chevelure. D'après la notice scientifique, la forme arrondie du visage, le nez épaté, la bouche ouverte et les yeux entrouverts dévoilent l'identité de cette tête féminine. Il s'agit d'une tête de méduse de taille colossale. La forme générale de la sculpture fait penser à un masque. L'ouverture de la bouche indique que cette sculpture était utilisée comme une fontaine murale encadrant une source d'eau. Retrouvée dans la maison de Belhassan Trabelsi à La Soukra, la deuxième pièce qui provient de Chine et «qui n'a pas été réclamée», précise M. Louhichi, est une sculpture «Cheval en jade vert». D'une hauteur de 55 cm et d'une largeur de 80 cm, cette sculpture raffinée en jade vert pâle et tacheté, consiste, selon Wajida Sakouhi, de l'INP, en un cheval sans queue, debout sur une base rectangulaire de 22 cm. Le portrait est orné d'une sangle supportant des grelots avec une croupe ornée d'une fleur en relief et de pompons retombant sur les côtés. Sur les 300 objets saisis jusque-là, dont l'origine se trouverait dans divers sites et régions et la provenance n'est toujours pas établie, les 93 pièces exposées et figurant dans le catalogue ont été trouvées essentiellement dans le palais de Sidi Dhrif et la résidence de Sakhr El Materi à Hammamet. Elaboré par une équipe multidisciplinaire de chercheurs, universitaires et techniciens de l'INP et de l'Agence de mise en valeur du patrimoine et de la promotion culturelle (Amvppc), le catalogue, bien agencé, rassemble les notices scientifiques des pièces exposées en langues française et arabe. Les objets qui ornaient les palais et résidences sont classés en trois thématiques suivant leur nature: céramiques (28), verres et bijoux (5), sculptures et stèles (23), décor (20) et meubles (17). Mais ce qui est frappant c'est que dans cette collection de céramiques, une dizaine de sculptures en marbre blanc et plus d'une vingtaine de stèles et chapiteaux en calcaire — la majorité des stèles funéraires — ont été également saisis dans la résidence de Sakhr El Materi. D'ailleurs, a expliqué M. Hamdane Ben Romdhane, chercheur à l'INP, une partie des objets a été volée des réserves de l'INP, citant l'exemple de la stèle funéraire d'un couple «Aemilia Aprulla et son époux Nabor». Cette pièce archéologique, datée des II-IIIe siècles après JC, a-t-il ajouté, ayant disparu des réserves de Ksar Saïd, se trouvait à l'origine à Aïn Jannet dans la région de Bargou. Concernant les meubles, 12 coffres, la plupart génois en bois peint, ont été retrouvés au même endroit à Hammamet. Ce qui laisse penser que l'ancien propriétaire de la Banque Ezzitouna fut un grand passionné d'objets de grande finesse de la Haute Antiquité, mais aussi de l'artillerie militaire, notamment le Canon en fer, style du Premier empire, daté de 1774. Patrimonial par ses photographies, politique dans son message, ce catalogue-guide, témoin de l'époque, bouquin-référence de demain, offre aux curieux et à tous ceux qui n'ont pas eu l'occasion de voir l'exposition ou tout simplement pour la génération future, de découvrir l'histoire d'un patrimoine spolié, mais qui a fait son retour dans le giron national. Après le 31 mars, cette exposition fera peut-être escale dans les régions intérieures «oubliées» de l'Ouest, a relevé Adnène Louhichi. Probablement à Kasserine, Gafsa, Le Kef, Sbeïtla et Sousse et même à l'étranger.