Actuellement, le jazz s'est imposé dans les festivals comme dans les concerts et, très rarement, dans les ghettos où il est né. Depuis quelques années, le jazz a choisi la Tunisie comme terre d'élection et s'est approprié un festival — Jazz à Carthage — dans notre petite contrée méditerranéenne. Cette manifestation, qui devient familière aux Tunisiens et aux amateurs de jazz, a invité, cette année, des artistes de renommée, dont le grand musicien autrichien Wolfgang Muthspiel Solo et le groupe de jazz moderne franco-américain Electro Deluxe. Accompagné de ses trois guitaristes, Wolfgang, qui vient pour la première fois en Tunisie, confie au public de Carthage son respect et son amour pour nos artistes tunisiens, dont Dhafer Youssef. Du jazz pur et dur La générosité de cet artiste est sentie à travers sa jazzification subtile qui raconte avec des notes tendres et soyeuses une musique vraie, appuyée par la liberté du rythme et la pulsation délicate. Ce timbre-là, qui nous rappelle l'éminent Pat Metheny, nous introduit dans une superbe incantation où la trame mélodique chante l'affection et l'amour. La clémence du soliste est également perçue dans le finish du spectacle, grâce à l'hommage rendu au roi du pop Michael Jackson à qui il a emprunté, en la réadaptant, la fameuse chanson « Beat it ». Cet artiste montre, par le biais de son art, que les origines du jazz sont composites et c'est pour cela que le jazz a toujours été considéré comme la musique universelle par excellence. Dans ce premier volet de la soirée, la musique de l'Autrichien a sonné vrai aux oreilles tunisiennes. Allumez le feu La deuxième partie, elle, a été consacrée à un groupe d'électro-jazz franco-américain. Polyvitaminé de funk, de pop, d'électro et, bien sûr, de jazz, le public a vécu une évasion à effet papillon. En fait, le chanteur vedette, qui était en transe, a enflammé la scène et a installé une ambiance délirante. L'électro-jazz, dont l'hybridité est fort originale, a contribué à souffler une brise de fraîcheur, de bonheur et de détente sur un public qui est entré facilement et rapidement en fusion avec ce groupe. On a donc goûté aux notes dilettantes et brillantes du saxophone, de la basse, de la batterie, de l'harmonica et du clavier. Avec chaque instrument, le public dévoilait son ravissement et son penchant pour la musique métissée, entre l'ancien et le moderne, le swing et le pop, le jazz et le funk. Rafraîchissant était le spectacle de ces musiciens humbles qui sont venus s'éclater sans étiquette sur cette terre chaude. Leur chaleur a embrasé celle de leur auditoire, composé de jeunes et de moins jeunes, qui n'a pas arrêté de danser et d'applaudir une énergie débordante et des talents survitaminés. Le festival semble, décidément, avoir retrouvé ses fidèles qui n'ont pas manqué de manifester leur amour pour cet art que Jean Cocteau qualifie de « cataclysme sonore ». Ce cataclysme habile, qui réclame l'ébullition, ne peut qu'être créateur et ingénieux, puisqu'il permet de découvrir un art porteur d'une culture et d'une signature opulentes qui ennoblissent le corps et l'esprit.