Rencontré en marge du Medess 2013( forum méditerranéen de l'économie solidaire et sociale), organisé à Tunis du 2 au 4 mai, Gérard Andreck, président du groupe Macif, a bien voulu nous entretenir du rôle que pourrait jouer l'économie solidaire et sociale (ESS) dans des pays telle la Tunisie, mais aussi de l'apport de l'Europe en la matière dans les pays de la rive sud. Revenant sur l'état des lieux en matière d'ESS dans les pays du Maghreb, il souligne que dans les trois pays de la région (le Maroc, l'Algérie et la Tunisie), on relève une évolution rapide de l'ESS; toutefois, ajoute-t-il, l'envie d'avancer dans ce domaine se manifeste différemment d'un pays à l'autre. Ainsi, ajoute-t-il, certains font de l'économie sociale sans vraiment se rendre compte, certaines associations qui se créent étant impliquées dans ce domaine. Selon lui, le Maroc est le pays qui jouit du cadrage législatif le plus fort en matière d'ESS, celui où la dimension sociale et solidaire est la plus importante notamment en termes de création de coopératives. S'agissant de l'Algérie, il pense que le système est beaucoup plus encadré. «En Tunisie, il y a beaucoup moins de coopératives bien que le monde mutualiste existe et le problème majeur demeure celui de la reconnaissance par les pouvoirs publics», ajoute-t-il, et de rappeler, dans ce même ordre d'idées, que dans l'accord entre la Tunisie et l'Europe aucune ligne n'est consacrée à l'économie sociale, fait qu'il juge anormal dans la mesure, précise-t-il, que l'économie sociale peut répondre à un certain nombre de besoins, notamment dans les domaines des services et de la santé. Ainsi, pour le cas de la Tunisie, G. Andreck pense que l'ESS devra dépasser deux problèmes principaux, à savoir celui de la légitimité et du cadre législatif. Il ajoute, par ailleurs, que le but du Medess est loin d'être celui de créer une énième structure spécialisée mais plutôt d'organiser, à des intervalles réguliers, des évènements qui peuvent susciter le dynamisme par l'échange d'expériences. Evoquant le rôle que peut jouer l'Europe pour aider les pays du sud pour développer l'ESS, il note qu'il y a, à ce niveau, un réel problème car, précise-t-il, «à Bruxelles ou ailleurs, les pays européens ont tendance à vouloir transposer leurs modèles dans les pays de la rive sud, chose impossible à faire». Il pense, lui, qu'il faut inverser la construction des accords en partant du pays et de ses problèmes, et d'identifier, sur cette base, les réponses appropriées aussi bien en termes de financement qu'en termes d'assistance technique. Il note, à ce propos, qu'il serait fort judicieux d'instaurer des partenariats entre les régions de l'Europe et les pays de la rive sud. Revenant sur les priorités actuelles de la Tunisie, notre interlocuteur cite les faiblesses relevées en matière de couverture sanitaire. Il pense que le développement de partenariats public-privé dans ce cadre pourrait apporter des réponses à ces failles. Le tourisme solidaire est un autre secteur qui, selon M. Andreck, gagnerait à être développé en Tunisie. «En Tunisie les associations existent déjà mais je crois qu'il faudrait affirmer leur rôle en leur donnant un cadre qui leur permet de mieux s'exprimer», ajoute-t-il enfin.