Le Tribunal de première instance de Kairouan a examiné, hier matin, le procès de l'activiste de Femen Amina à l'encontre de laquelle a été émis un mandat d'arrêt, le 20 mai, par le ministère public en vertu de l'article du Code pénal relatif à la profanation des tombeaux. Le procès s'est déroulé sous haute surveillance avec le déploiement massif des forces de sécurité devant et à l'intérieur du tribunal. Et des barrières métalliques ont été installées. Cela n'a pas empêché le rassemblement d'un grand nombre de citoyens et de sympathisants du mouvement Ansar Echaria qui criaient leur colère et leur indignation de la présence d'Amina à Kairouan, surtout qu'elle avait osé taguer le mot «Femen» sur le muret du cimetière Aouled Farhane près de la Grande mosquée. «Le geste de se dénuder est un acte attentatoire à notre dignité. C'est une provocation déplacée et une diversion des problèmes réels qui préoccupent les citoyens. Notre pays a besoin de projets de développement et non pas de forces occultes qui instrumentalisent une dépressive chronique. A mon avis, il faudrait soigner Amina et condamner les forces occultes qui l'instrumentalisent...», nous confie Naoufel Khribi, présent parmi le public, qui revendique une condamnation exemplaire. Un seul chef d'inculpation Notons que les forces de sécurité ont usé de beaucoup de tact pour que la situation ne dégénère pas. Et à l'intérieur de la salle n°1 où a eu lieu l'audience, un grand nombre d'avocats, de représentants des médias tunisiens et étrangers accrochés à leur téléphone, et des membres d'Amnesty International, de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et de l'Association tunisienne des femmes démocrates suivaient attentivement le déroulement des plaidoiries. La tension était très vive, surtout que le tribunal n'a retenu qu'un seul chef d'inculpation, à savoir la détention d'une bombe à gaz, ignorant ou peut-être reportant à une autre date la profanation du cimetière. D'ailleurs, les avocats mandatés par les habitants de Kairouan, tout en ayant confiance en l'indépendance de la justice, ont manifesté leur étonnement face à ce chef d'inculpation. Témoignages M. Mounir Sboui, père d'Amina, très affecté par le procès de sa fille, nous a fait part de sa confiance en la justice : «J'espère que ma fille sera libérée afin qu'elle puisse terminer ses études. C'est une excellente élève qui a eu de bons résultats en ce début scolaire. Sa mère et moi sommes des pratiquants. C'est pourquoi nous n'avons pas accepté la manière dont Amina défend ses idées libérales. J'espère qu'elle sera sauvée afin qu'elle redevienne quelqu'un de tolérant, surtout que notre pays est modéré, moderne et attaché à l'Islam, ouvert, humaniste et tolérant...». Mme Christina Mastrandrea, journaliste à la Rai News 24, renchérit : «Personnellement, j'ai déjà rencontré Amina deux fois et discuté avec elle. Je trouve que c'est une jeune fille équilibrée et qui défend des idées à sa manière. Je n'ai pas eu l'impression que c'est une folle. Je suis contente de voir que son procès s'est déroulé dans des conditions acceptables...». M. Mahmoud Oueslati, responsable de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, a trouvé lui aussi que le procès s'est déroulé d'une manière juste et qui fait honneur à la justice tunisienne, loin de tout procès d'intention et de toute influence de qui que ce soit. Ces idées sont partagées par Me Faleh Chebbi, représentant des avocats, et qui estime que les plaidoiries se sont déroulées dans la transparence et la justice, malgré la tension au sein du tribunal. Profanation d'un cimetière L'après-midi, Amina a comparu devant le juge d'instruction du Tribunal de première instance de Kairouan pour une deuxième affaire concernant la profanation d'un cimetière, ses attitudes provocatrices et son appartenance à une bande en vue de porter atteinte à autrui. Et un mandat d'arrêt en prison a été émis à son encontre. Sur demande de ses avocats, elle sera entendue de nouveau le 5 juin pour répondre de ces chefs d'accusation. Pour ce qui est du verdict relatif à la détention d'une bombe à gaz, on croit savoir qu'elle écopera d'une amende (mais jusqu'à 19h00 hier soir, rien n'a été déclaré publiquement à ce sujet).