L'organisation non gouvernementale «I Watch», créée par des jeunes au lendemain de la révolution, a organisé hier à Tunis une conférence sur le thème «Convention des Nations unies contre la corruption». Il s'agissait lors de cette conférence d'expliquer le contenu de cette convention ratifiée par la Tunisie, mais qui est rejetée par un certain nombre de pays la soupçonnant de viser à «renforcer l'influence des grandes puissances sur les affaires des autres pays», comme le souligne Achref Aouadi, le jeune président de l'association. «Il s'agit de la seule convention internationale de lutte contre la corruption ratifiée par la Tunisie en 2008. Tous les cinq ans, l'Etat membre est sujet à une révision qui vise à vérifier la conformité de la législation locale aux articles composant la convention onusienne», explique-t-il. Il s'agit en fait de deux pays «membres» tirés au sort (Togo et les Seychelles), qui effectueront une visite en Tunisie afin de conduire une enquête sur l'état de la lutte contre la corruption en Tunisie, conformément à la Convention des Nations unies contre la corruption. Selon le président de l'association, la Tunisie est en train de faire actuellement son évaluation interne, et les experts gouvernementaux font un travail considérable à saluer. Un logiciel appelé «Omnibus» pose 164 questions auxquelles les autorités tunisiennes doivent répondre tout en justifiant leurs réponses par des pièces jointes justificatives, ce qui, selon notre interlocuteur, exclut toute tentative de maquillage des résultats car le logiciel «écrit son propre rapport selon les réponses fournies». Notons que jusqu'à présent en Tunisie, il n'existe pas véritablement de loi qui criminalise la corruption dans le secteur privé, les montants de ceux-ci peuvent même (théoriquement) figurer dans le bilan et faire l'objet d'une déduction de l'assiette imposable. Le paradoxe, c'est que seule la loi antiterroriste controversée semble à même de répondre à certaines exigences de la convention, notamment ce qui est relatif à la protection des témoins et à la lutte contre le blanchiment d'argent. Par ailleurs, les participants soulignent que la Tunisie obéit dans l'ensemble à la majorité des exigences de la convention, mais qu'elle ne dispose pas jusqu'à présent d'un système juridique cohérent permettant de lutter contre la corruption dans le secteur privé. «Nous avons de très bonnes lois en Tunisie, mais pour des raisons diverses, nous disposons d'un système juridique dormant, au lieu de le redynamiser, je préconise son remplacement», nous dit Achref Aouadi. Invité à cette rencontre, le ministre de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, Abderrahmane Ladgham, a tenté de minimiser les accusations de corruption qui, selon certains, «se poursuivent bien après la révolution», en indiquant que «les contrats publics sont désormais étroitement surveillés et que grâce à de multiples restrictions informatiques, le système est verrouillé». Interpellé sur la question de l'exploitation du gaz de schiste, le ministre explique que l'affaire est bien plus compliquée que certains peuvent le penser. «Plusieurs lobbies du secteur énergétique de par le monde se disputent et tentent de se diaboliser mutuellement, certains défendent le nucléaire en accusant le gaz de schiste de tous les maux; mais de toutes les manières, soyez assurés qu'aucune autorisation ne sera délivrée tant que le caractère inoffensif de l'opération n'est pas certain», a-t-il dit.