Mieux vaut en rire. C'est ce qu'ont décidé de faire internautes et facebookers tunisiens des menaces proférées par l'autoproclamé prédicateur Adel Almi contre les non-jeûneurs en ce mois de Ramadan. Des caommentaires critiques, sarcastiques, ironiques et parfois même amusants ont été postés, mercredi dernier, à une cadence croissante indiquant que jeûneurs et non-jeûneurs ont trouvé de quoi tuer le temps en cette première longue journée de jeûne. Sur le web, des journaux électroniques ( Buisness news et Kapitalis) poussent le sarcasme jusqu'à publier une photo dans laquelle le prédicateur, qu'on dit vendeur de légumes avant la révolution, devient un paparazzi barbu, équipé d'un appareil photo sophistiqué en chasse de photos insolites. Sa mission, pour la circonstance, épier les «fautifs» et prendre des clichés des cafés et restaurants ouverts pendant la journée et, bien sûr, les «koffars» (apostats) ou «fattaras» qui ne jeûnent pas et qui osent le faire publiquement. Pour en faire quoi? Le prédicateur compte sur le ministre de l'Intérieur pour décider des dispositions nécessaires et lui suggère même de prendre les mesures les plus fermes. Adel Almi n'est pas le seul à se préoccuper de cette question qui semble préoccuper autant les prédicateurs des changements au mode de vie des Tunisiens. Le ministre des Affaires religieuses, M. Noureddine El Khademi, a lui aussi pris la même position et appelé les propriétaires des cafés et restaurants à ne pas ouvrir leurs établissements le jour, durant le mois de Ramadan. Aux propos du ministre, c'est le conseiller politique du président provisoire de la République, M. Aziz Krichène, qui réagira sur sa page facebook. Il lui rappelle à l'occasion qu'en tant que membre du gouvernement de tous les Tunisiens, il doit se placer à égale distance par rapport aux musulmans, pratiquants et non-pratiquants, en vertu du droit de culte et de la liberté religieuse, l'invitant au passage à lire attentivement les articles y afférents figurant dans le projet de loi fondamentale en cours de finalisation à l'ANC et de les assimiler. Affaire à suivre Cela dit, force est de constater qu'au premier jour de Ramadan, la plupart des cafés, restaurants, pâtisseries et boulangeries étaient bel et bien fermés, notamment dans le centre-ville de Tunis. Au point de croire que le mot d'ordre de fermeture est passé et a été bien entendu. Car, des cafés qui avaient l'habitude de couvrir leur vitrine et de fermer leurs portes pour servir leurs clients dans la plus grande discrétion ont choisi cette fois, soit de baisser les rideaux, soit de prendre leur congé annuel au cours du mois de Ramadan. Un bout de papier collé à la façade informe la clientèle de la fermeture du 10 juillet au 10 août 2013. La fermeture inhabituelle d'autant d'établissements serait-elle due à la peur des représailles ou à l'absence de touristes ? L'affaire mérite d'être suivie, car si les menaces ne sont pas que des mots, des violences sont à craindre au cas où des cafetiers changeraient d'avis et reprendraient leurs activités pendant la journée. Ce qui, pour beaucoup, paraît tout à fait normal pour un pays qui a toujours été ouvert et accueillant. Un internaute écrit : «Il n'y a pas si longtemps, musulmans, chrétiens et juifs vivaient en paix dans mon pays ; il n'y a pas si longtemps, jeûneurs et non-jeûneurs se côtoyaient dans le plus grand respect et la plus grande liberté». N'est-ce pas cette Tunisie-là que tous les clans politiques prétendent vouloir construire au nom de la révolution, de la démocratie et de la dignité retrouvée...Après la révolution ?