Les députés de l'opposition déclarent entrer en sit-in ouvert devant l'ANC, à partir d'aujourd'hui. Une quarantaine d'élus sur les partis de l'opposition se sont réunis hier à 15h30 au siège de l'Union pour la Tunisie, aux Berges du Lac. Des représentants du Front populaire, de Nida Tounès, de Moubadara, d'Al Massar et d'Afek, rejoints par ceux du parti Joumhouri, et de quelques indépendants. Ils représentent désormais une fronde parlementaire qui compte entrer en résistance. A l'heure du bouclage, les élus en étaient à finaliser le texte d'un communiqué dans lequel ils appellent à la dissolution du gouvernement, pour avoir perdu la légalité et la légitimité (echaria wel machouria). Leur action s'insérant dans un processus de lutte dicté par la conjoncture, ils ont également décidé de lancer un sit-in devant l'ANC, en appelant à boycotter ses travaux, pour sauver le pays et faire aboutir cette deuxième étape de transition. Certains d'entre eux ont également décidé de démissionner de l'Assemblée, pendant que d'autres ont opté seulement pour le retrait de leur participation. Ils proposent la formation d'un gouvernement de salut national, avec à sa tête une personnalité publique et indépendante et dont tous les membres s'engagent à ne participer à aucun mandat électoral. Ils appellent à la formation d'une commission d'experts pour boucler rapidement la constitution, en partant de la copie existante, et la soumettre, une fois finalisée, à référendum. Surfer sur la vague Cette rencontre est la deuxième convoquée in extremis, après une très longue qui a duré toute la nuit dernière. Ce sont des hommes et des femmes physiquement éprouvés, nerveux pour certains, profondément affectés par la perte de leur collègue, qui se sont réunis hier. L'ordre du jour étant la mise en place d'un plan de lutte. L'heure est grave, mais l'heure est à la concertation, d'abord. Quoi qu'il en soit, leurs objectifs sont, à grands traits, deux : dissoudre l'Anc et destituer le gouvernement. Pour y parvenir, les opposants ont du mal à se décider sur le mode opératoire. Samir Ettaieb, parmi les premiers à venir, a déclaré à La Presse sans autre forme de procès : « On est tous d'accord sur les objectifs, mais la période est très difficile et les moyens nous manquent, nous sommes en train de nous accrocher». Les démissions de l'ANC renforcent la majorité Le Front populaire a réclamé tout de go la démission des élus hors Troïka. C'est aussi une revendication d'une partie de la population tunisienne qui investit les rues depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi. Or, s'ils démissionnent, les députés seront confrontés à une difficulté d'ordre technique aux lourdes conséquences, que l'élu d'Al Massar détaille pour nous : « Un député qui démissionne sera automatiquement remplacé par le suivant de la liste sur laquelle il est élu. Par exemple, Selma Mabrouk et Karima Souid ont été élues sur la liste Etakatol, elles ont intégré notre parti Al Massar. Mais si elles démissionnent maintenant de l'ANC, elles seront remplacées dans leur groupe parlementaire par leurs suppléants. Les démissions vont renforcer la majorité ». La politique de la chaise vide étant contre-productive, les députés, en étaient hier à passer en revue d'autres stratégies, à l'image de la suspension de la participation aux travaux de l'Anc, ou une participation bénévole sans perception d'indemnités : « Nous préférons ne plus percevoir de dédommagements, mais ne pas démissionner, pour avoir toujours un pied à l'intérieur », reconnaît, pragmatique, Samir Ettaieb. De leurs propres aveux, les élus sont en train de surfer sur la vague populaire pour essayer de faire aboutir une action qui ait du poids et du sens. L'objectif étant de rompre la dynamique interne de la Troïka. Y parviendront-ils ? Une chose est sûre, cependant, ils sont unanimes à déclarer que ce gouvernement qui protège des assassins qui se baladent en toute impunité, et qui s'est avéré incapable d'assurer la sécurité des Tunisiens, doit partir.