Avec 5 milliards de dinars de refinancement, la BCT court des risques élevés. Actuellement, les banques sont en manque de liquidités. Le principe selon lequel les crédits font les dépôts n'est plus valide chez nous. En effet, le dernier communiqué de la Banque centrale de Tunisie montre, d'une part, un ralentissement du rythme de progression de l'encours des dépôts au cours du premier semestre de l'année en cours par rapport à la même période de 2012 (2,4% contre 4,1%) et, de l'autre, une évolution des concours à l'économie, au cours de la même période, de 3,2% contre 5,1% durant le premier semestre de 2012. Dans des conditions normales, les deux indicateurs évoluent dans le même sens. « Les crédits accordés sont placés dans des activités spéculatives plutôt que dans des projets productifs, générateurs de chiffre d'affaires », a expliqué Wissem Messadi, expert en management bancaire. D'ailleurs, immobiliser les fonds dans un actif immobilier, terrain ou construction, ne permet pas de générer des recettes, qui seraient déposées par la suite dans les comptes bancaires. Ces investisseurs recherchent plutôt la conservation de la valeur de leurs fonds et une petite rentabilité à long terme. Désormais, les terrains se présentent comme un investissement refuge, dit-il, pour les opérateurs peu confiants dans les perspectives de l'économie nationale. Par ces formes d'investissements, ils recherchent leur intérêt personnel et non pas la création et le partage des richesses, c'est-à-dire l'intérêt national. « Il faut cesser de mettre le paquet dans le béton. Il faut investir dans les filières économiques porteuses », prévient-il. Autrement, de sérieux problèmes de liquidité pourraient se manifester. Sur un autre plan, la faiblesse des dépôts s'explique par «l'absence de nouveaux bailleurs de fonds », dit-il. Ce qui s'est traduit, évidemment, ces derniers mois, par un fléchissement du rythme de progression des crédits à moyen et long terme. A cet égard, l'expert s'interroge sur le sort des grands et méga- projets qui faisaient la une des médias et qui meublaient les discours des politiciens. « Etrangement, on ne parle plus de ces projets », martèle-t-il. Le tarissement des dépôts aggrave le besoin des banques en liquidités. Depuis le mois de juin, la BCT a intensifié ses interventions sur le marché monétaire « qui ont atteint le 30 juillet leur plus haut niveau depuis le début de l'année, soit 4.814 MDT en moyenne contre 4.758 MDT un mois auparavant et 3.922 MDT au mois de mai», peut-on lire sur le communiqué de la BCT. Ce niveau de refinancement record est préoccupant, puisque à 5 milliards de refinancement, la BCT court des risques élevés. Car pour retrouver de la liquidité, les banques demandent à la BCT de les refinancer en avançant des garanties dont l'évaluation est approximative. « Actuellement, les banques sont en manque de liquidités. D'une part, elles prêtent à des investisseurs en majorité spéculateurs et,de l'autre, les déposants sont moins nombreux», résume l'expert. Le côté sombre du bilan de l'économie nationale n'est pas limité à la sphère monétaire. En effet, le communiqué de la BCT met en exergue une atonie du rythme de l'activité économique durant le premier semestre de cette année. Ce qui est de nature à remettre en cause toutes les projections de croissance, notamment le taux de 4% de croissance pour l'année 2013. Au premier rang des préoccupations, la BCT cite l'aggravation continue du déficit commercial. Ce déficit a comme corollaire l'appréciation de l'inflation importée, la dépréciation du dinar et la dégradation des réserves en devises. Pour les deux premières, les résultats n'ont pas tardé à s'afficher avec le maintien de l'inflation à 6.4% pour trois mois de suite et la dépréciation du dinar face à l'euro et au yen. En revanche, pour la troisième, les réserves en devises, « l'impact de ces évolutions sur le niveau des réserves en devises, qui ont atteint 11.347 MDT ou l'équivalent de 104 jours d'importation en date du 30 juillet 2013, a été atténué grâce à une mobilisation importante de ressources extérieures, et ce, en dépit du repli de l'excédent de la balance des emprunts et de celui de la balance des investissements extérieurs», rappelle le communiqué.