Il est vrai que les temps sont difficiles ici et ailleurs, que le cœur n'y est pas toujours, mais loin de nous était l'idée que la soirée de la chanteuse tunisienne Nawal Ghachem, doublée de la star rotanienne Housein Jesmi, serait un fiasco commercial total. Pourtant, le public avait défié, pour d'autres spectacles, peur, angoisse et ambiance encore plus difficile dans le pays. A peine quelques centaines de personnes sont venues assister au spectacle de vendredi dernier, alors qu'on s'attendait à une belle présence pour deux artistes connus et appréciés. L'une, star de l'âge d'or de la chanson tunisienne des années 1980, qui s'est distinguée par un large répertoire entre timbre tunisien et rythmes libyens, et plus d'un tube à son actif. L'autre, une des plus belles voix masculines des pays du Golf arabe qui a su s'ouvrir aux différents styles et qui a porté à l'échelle arabe quelques belles chansons de notre patrimoine tunisien. La question qui se pose alors, pourquoi ce public, qu'assassinats politiques, sit-in, terrorisme et deuil n'ont pas empêché de venir nombreux pour Paco de Lucia, pour Majda Roumi et pour Khadhem Essaher se soit montré à cette occasion réticent ? A-t-il boudé Ghachem et Jesmi ? Est-ce la baisse de forme après un mois marathonien de jeûne, de mobilisation et d'insomnie ? Ou bien est-ce le poids de tant de dépenses et de consommation qui se fait sentir vers la fin du mois ? Ou alors est-ce que tout simplement nous devons accepter la possibilité que ces deux noms n'attirent plus le public, du moins pas assez pour payer 30 dinars pour un ticket, alors qu'il pense déjà à la rentrée scolaire ? Toujours est-il, que Nawal Ghachem, égale à elle-même et malgré sa déception, a assuré un programme cohérent composé de ses plus beaux titres, faisant un round-up de différentes étapes de sa longue carrière entre chansons d'amour, et chansons patriotiques. Le public ( le peu qu'il y avait) s'est laissé entraîner par ses rythmes et a fredonné, comme d'habitude, toutes les chansons apprises par cœur. Après avoir fait le traditionnel dépassement de 20 minutes au timing consacré à sa partie, Nawal Ghachem cède le micro à Housein Jesmi, qui paraissait déstabilisé par la quasi absence du public. Il assura tout de même le programme prévu, composé de ses succès et bien entendu des reprises fort réussies de Hak dellali de Hédi Habbouba et Ya khlila de Saliha.