Les réformes annoncées ne seront pas facilement acceptées par des citoyens qui souffrent aujourd'hui d'une overdose politique Les réformes annoncées, hier, par les ministres des Finances, de la Coopération internationale et le ministre chargé des dossiers économiques auprès de la présidence du gouvernement provisoire en vue de redresser l'économie nationale s'annoncent douloureuses, mais nécessaires. Tel que l'appréhende Fethi Nouri, professeur d'université en sciences économiques, les réformes annoncées par le ministre des Finances s'avèrent douloureuses et ne seront pas facilement acceptées par des citoyens ayant reçu une overdose politique. « Pour ce qui est des réformes ayant trait aux hydrocarbures et à l'alimentation, je pense qu'il faut commencer par la mise en place des mesures. Sachant que le coût social et politique sera pesant ». Absence de réformes sectorielles Selon le même interlocuteur, le pays souffre aujourd'hui d'un déficit de la balance courante, d'un déficit budgétaire et d'un déficit politique. Et ce sont ces trois déficits qui bloquent la croissance économique et provoquent un certain malaise chez les citoyens. Or, les ministres réunis, hier, pour traiter des indicateurs économiques ont omis de préciser les réformes sectorielles à opérer. « Ils se sont contentés d'annoncer un taux de croissance de 3%, sans jamais annoncer que cette croissance est le fruit d'efforts personnels, notamment ceux des investisseurs et des industriels et non pas le résultat de grandes réformes. De même, ils n'ont pas précisé les secteurs sur lesquels on devrait focaliser afin de remédier à la défaillance de certains autres secteurs. De là, on peut admettre que l'on est resté plus ou moins dans le flou ». Pour Fethi Nouri, une croissance économique molle, comme c'est le cas, ne peut pas résoudre les problèmes sociaux, à commencer par celui du chômage. « Le déficit de la balance commerciale qui est de 4% est énorme et risque de s'aggraver. Mais, je n'ai toujours pas compris le fait de parler de croissance économique sans évoquer la balance courante qui est une composante de la balance des paiements ». Possible politique d'austérité Par-delà l'aspect douloureux des réformes dont il est question, l'universitaire considère que le retour de la croissance, quoique le taux soit uniquement de 3%, laisse apparaître un brin d'espoir. Un brin d'espoir étroitement lié, selon lui, au retour de la croissance chez nos partenaires européens. « Cela peut nous aider à réduire le déficit de la balance commerciale ». Poursuivant son analyse, le professeur Nouri souligne que si les défaillances actuelles du système économique national continuaient, l'on serait contraint de passer à une politique d'austérité. Comme il l'entend, les futurs responsables politiques ne doivent pas perdre de vue que la fiscalité provient de la croissance économique. Tout autant que les agents économiques sont appelés à « rester à l'écart du jeu politique pour se concentrer davantage sur les moyens susceptibles de redresser la croissance ». Des généralités sans aucun effet Pour l'universitaire Mahmoud Ben Romdhane, les réformes économiques prévues par le gouvernement provisoire s'annoncent comme des généralités improvisées, voire des banalités. « Ce n'est que de la poudre aux yeux. En effet, aucun des problèmes réels n'a été véritablement affronté. Autrement dit, toutes les mesures proposées sont des vœux pieux répétés depuis plusieurs années. Cela prouve l'incapacité des gouvernants actuels à résoudre la question cruciale du gap budgétaire de 5 milliards de dinars ». Traitant des réformes portant sur le système de compensation, le professeur Ben Romdhane note qu'elles affecteront un grand nombre de citoyens et une diversité d'acteurs économiques. « A entendre les responsables politiques d'aujourd'hui, je me demande toujours comment le gouvernement entend réduire la compensation. A mon sens, ce n'est qu'un autre vœu pieux répété depuis longtemps et c'est toujours la même rengaine : des banalités qu'on répète sans mesurer les coûts et les conséquences politiques et sociales qu'elles pourraient engendrer. Je pense, du reste, que chaque jour qui passe avec ce gouvernement est un jour qui amplifie davantage la crise politique, économique et sociale du pays ».