Par Dr Moncef GUEN Une politique populiste est une politique fondée sur une satisfaction excessive des desiderata d'une population désespérée à qui on promet monts et merveilles sans en avoir les moyens. Avec la révolution et les perspectives d'élections libres et sincères, la centaine de partis politiques, plus ou moins sans programmes sérieux, s'est lancée dans une course de promesses mirobolantes pour se faire élire à l'Assemblée nationale constituante. Promesses et endettement Au pouvoir, la Troïka a essayé de tenir une partie des promesses électorales en utilisant comme moyen principal les finances publiques. On a recruté des dizaines de milliers de nouveaux fonctionnaires dans une fonction publique déja pléthorique. Sans se rendre compte que l'on alourdit le trésor public non seulement des traitements et salaires de ces nouveaux fonctionnaires mais aussi les caisses de sécurité sociale pour leurs soins et leurs pensions futures. Non seulement on les a recrutés, pensant ainsi réduire le chômage, mais on a accordé des augmentations de salaires à ces fonctionnaires et aux salariés d'une manière générale, pensant ainsi promouvoir la paix sociale. On a non seulement imposé des charges supplémentaires au trésor public, mais fait la même chose avec les entreprises publiques, les poussant à recruter au maximum et, en conséquence, alourdissant leurs bilans par des charges qu'elles ne peuvent supporter. Le cas de la Compagnie des phosphates et du Groupe chimique est typique. Le ministre des Finances vient d'annoncer que l'Etat est obligé de prendre en charge le service de la dette de la Stir et de l'Office de l'huile. Il faut espérer que d'autres entreprises publiques ne viendront pas faire encore défaut de leurs dettes faute de moyens. Le défaut de paiement de ces deux entreprises publiques coûte à l'Etat 225 millions de dinars et va augmenter le taux d'endettement public qui était de 40,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2010 et qui passe en deux ans et demi à 48% du PIB. Ce taux, qui a grimpé dangereusement en un laps de temps relativement court, va peser sur les générations futures qui doivent en assurer le service alors que l'appareil de production est resté globalement limité à cause du manque d'investissement. En effet, l'explosion des dépenses publiques n'a pas été due à une accélération des investissements publics (qui même au cours du premier semestre de 2013 n'ont pas atteint 23% des dépenses initialement prévues). La formation brute de capital a été déjà faible avant la Révolution ; elle s'est encore affaiblie davantage après. L'explosion des dépenses publiques est due essentiellement au poste «rémunérations publiques» (plus de 12% du PIB) et aux subventions et transferts (plus de 7% du PIB). Non seulement la consommation publique augmente dangereusement mais la consommation privée est stimulée par les subventions des hydrocarbures et de la Caisse de compensation sur deniers publics. Dans le second semestre de 2013, il est à craindre que les charges de compensation s'aggravent. Le Brent est déja à $ 115 et va certainement encore remonter avec la crise syrienne. Le déficit céréalier de 14 millions de quintaux doit être comblé par des importations aux prix forts. Le service de la dette va être exacerbé sur le plan budgétaire par la dépréciation du dinar. Le déficit budgétaire, estimé à 7,4% du PIB, risque d'être encore plus élevé. Mais ce n'est pas le déficit budgétaire qui est la ligne limite car il pourrait être financé monétairement. La ligne limite est le déficit extérieur. A plus de 7% du PIB tel qu'il est estimé par le programme négocié avec le FMI, s'il dépasse ce niveau, des difficultés importantes seront à surmonter pour son financement. Les investissements extérieurs sont en retrait. La mobilisation de ressources supplémentaires extérieures (hors dons) ne serait pas facile et ajouterait encore à l'endettement public. Ce problème serait encore plus aigu en 2014 et 2015. Avis au prochain gouvernement !