La Presse — Pareille à un bijou dans son écrin, soigneusement et joliment toilettée, Sakiet Sidi Youssef a vécu, lundi 8 février, au rythme d'une journée exceptionnelle. Tant l'événement est de taille. C'est que la célébration, chaque année, des glorieux événements du 8 février 1958 au cours desquels le sang tunisien et algérien s'est mêlé, en signe de solidarité fraternelle et des liens historiques entre les deux peuples frères incite à la fierté. Hier, Sakiet s'est parée de ses plus beaux atours au point de devenir quelque peu méconnaissable. Le décor étant devenu gai et pour ainsi dire surprenant. Depuis plusieurs années, la ville n'a, en effet, jamais failli à la tradition. Les citoyens, fiers de leur histoire glorieuse commune qui consacre l'importance de l'élan de solidarité fraternelle apporté au peuple algérien frère, affichaient tous un certain amour-propre, à cause, sans doute de cette histoire illustre, jalonnée par la mort de nombreux citoyens tombés au champ d'honneur. • M. Bel Maâlem Mohamed, un sexagénaire, garde toujours en mémoire cette date du 8 février 1958, alors qu'il était à l'école, située à deux kilomètres de la ville, plus exactement dans la mine de Sakiet. L'école, affirme-t-il, a été littéralement détruite après plusieurs raids meurtriers de l'aviation française. S'il a survécu, c'est par miracle, après s'être rapidement abrité dans une galerie profonde de la mine alors que la plupart de ses camarades ont péri. • Un autre sexagénaire, M. Mohamed Ben Lahmadi, ancien directeur de l'école primaire de Sakiet, n'a dû son salut qu'à un chêne sous lequel il s'est abrité, le tout au hasard d'une évasion. Hier, toutes les rues étaient pavoisées de banderoles et autres affiches glorifiant l'événement et scandant des slogans élogieux à l'endroit des martyrs et du Président Ben Ali, car Sakiet est la ville du Changement par excellence. Les habitants, ne cachant nullement leurs sentiments de fierté, considèrent que les changements intervenus dans toute la région sont le fruit de l'ère nouvelle, car avec près de 100 millions de dinars d'investissements publics, l'on a tout, ou presque, changé : la voirie, l'esthétique urbaine, le mode de vie, les sources de revenus. Bref, tout incite aujourd'hui à l'optimisme, d'autant que cette ville située à la frontière a bénéficié de nombreux projets spécifiques. Il n'y a qu'à regarder ce prix présidentiel que la municipalité a obtenu au titre de la ville la plus propre pour comprendre à quel point la modernité y est conséquente. Aussi, les citoyens exultent-ils pour que ce bonheur perdure, surtout que le milieu rural n'a pas été en reste et a profité de projets spécifiques qui ont brisé, à jamais, tous les carcans de la misère. Partout, hier, la fête se remarquait dans la ville qui a vibré au son d'une musique populaire qui consacre la portée épique de cette fête tuniso-algérienne. D'ailleurs, des convives de Sakiet, en particulier ceux venus d'Algérie, n'ont point tari d'écolges à l'endroit de la Tunisie et des liens fraternels de plus en plus solides entre les deux peuples frères. Aujourd'hui, l'événement n'est plus qu'un mauvais souvenir et sa célébration est un vibrant hommage aux vaillants martyrs des deux pays qui ont payé de leur vie le tribut de la liberté et de la dignité et nourri chez les générations montantes le sens de la bravoure et du sacrifice en faveur de la liberté. Méconnaissable est donc Sakiet. Elle est plus que jamais un symbole et un phare lumineux dans l'histoire moderne de la Tunisie. Elle le sera probablement longtemps encore tant que le pays est entre de bonnes mains et que l'immense travail qui y a été accompli perdure. Terre de rencontre,à l'image de toute la Tunisie, Sakiet est aussi une terre d'ouverture, de solidarité et d'édifice maghrébin, car c'est là que l'Union du Maghreb Arabe a conçu son premier embryon. Le recueillement à la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour la défense de la liberté des peuples tunisien et algérien sera, demain, la cantate du plaisir que procurera, inéxorablement, cette union chez les peuples de la région.