On voudrait réorienter la subvention et non la supprimer. Ce qui revient à appliquer graduellement la vérité des prix Hors subvention, la tarification de l'électricité coûterait 77% plus cher et le coût du gaz naturel grimperait de 162%. «Quand on subventionne l'énergie, on attire les industries énergivores qui aggraveraient, à leur tour, par leur niveau de consommation, le déficit énergétique du pays», martèle le ministre de l'Industrie, Mehdi Jomaa, lors d'un dîner-débat organisé mardi dernier par l'Atuge pour débattre de l'impact de la hausse des prix de l'énergie sur la compétitivité de l'entreprise. Cette hausse serait ressentie en premier lieu par les cimenteries qui occupent la catégorie de la haute tension et qui consomment une enveloppe de subvention d'environ 127 millions de dinars. Un montant qui pourrait avoisiner leurs bénéfices nets. «Une cimenterie de 400 millions de dinars qui s'implante dans une région de l'intérieur pour employer 150 personnes n'est pas le projet du siècle comme le pensent certains», regrette-t-il en mettant en évidence le coût de ces emplois créés. La démarche de «réorientation de la subvention et non de levée de la subvention», insiste le ministre, consiste en l'application graduelle de la vérité des prix, «en deux temps», fait-il savoir. Et en une seule année, probablement. Ainsi, l'évolution à la hausse de 77% des factures de l'électricité serait répercutée intégralement sur le prix du sac du ciment. Raison pour laquelle les cimentiers ont exigé la libéralisation des prix du ciment. S'agissant d'une composante principale de la structure des coûts de bâtiment, l'impact d'une telle mesure serait ressenti par tous les opérateurs, à commencer par les ménages. Ménager la compétitivité des entreprises Toute la question est de savoir comment lever la subvention sans altérer les couches les plus vulnérables et sans pénaliser la compétitivité des entreprises ? Cette question formulée par le ministre laisse à penser que la problématique n'est plus le timing des réformes mais plutôt comment les appliquer. Il motive sa position par le déficit énergétique galopant qui remonte à 2,4 Mtep en 2013 contre 1,6 Mtep en 2012. Le lourd bilan énergétique et les sombres perspectives, si rien ne se fait, ne laissent aucune marge aux dirigeants qui rechercheraient «la sécurité de l'approvisionnement et de limiter l'évolution des dépenses de compensation», résume-t-il les enjeux stratégique et économique de ce dossier. «La centrale électrique de 2018 fonctionnerait à gaz ou au charbon?», illustre-t-il. Et d'ajouter: «C'est en 2014 qu'on doit se décider». Les représentants des entreprises ont formulé une autre problématique axée sur la compétitivité du tissu industriel. «L'entreprise serait-elle en mesure de supporter cette nouvelle dégradation de sa structure de prix et donc de sa compétitivité ?». L'impact est variable selon la part de l'énergie dans la structure du coût, relativise M. Fathi Nouri, professeur d'économie. Tout compte fait, il estime que l'évolution de 10% dans le coût de l'énergie se traduirait par une hausse d'environ un point de l'indice des prix à la consommation, «0,3% en effets directs et 0,7% en effets indirects», précise-t-il. Mieux encore, les deux millions de Tep économisées par le programme de l'efficacité énergétique, soit un gain d'une enveloppe de 500 millions de dinars, démontrent qu'il y a d'autres pistes à creuser pour maîtriser le déficit énergétique. Dans cette perspective, des programmes et des mesures incitatifs seraient mis en œuvre pour aider les entreprises et les ménages à réaliser une transition énergétique, notamment en économisant et produisant de l'énergie verte. Le ministre a précisé à cet effet que ce processus est bloqué par le tarif du reliquat de l'énergie produite et non consommée. En d'autres termes, le rachat du Kwh produit par un agent économique au prix du Kwh subventionné, soit la tarification de la Steg, n'encourage pas la production de l'énergie en dehors du réseau. «Un tarif intéressant et un contrat d'achat sont les préalables d'un projet d'énergie renouvelable», souligne le ministre de l'Industrie. A cet égard, les gros consommateurs seraient impliqués, en premier lieu, à rechercher des sources alternatives d'énergie et rationnaliser leur consommation. Les autres catégories de consommateurs feraient de même. Sur un autre plan, le modérateur du panel a rappelé que les entreprises exportatrices n'ont pas à se plaindre puisque la dévaluation du dinar est de nature à compenser cette hausse des prix de l'énergie.