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Le démembrement
ENQUÊTE - L'administration tunisienne au temps de la troïka (I)
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 12 - 2013

Recrutements anarchiques, déstabilisation de la chaîne hiérarchique, interruption de la planification, limogeage de cadres chevronnés mais non partisans de la Troïka, restructuration de carrières d'amnistiés nahdhaouis... Le nouveau mode de fonctionnement de l'administration sème panique et trouble dans les rangs de la fonction publique. Est-ce une tentative de démantèlement d'un territoire de la modernité ?
Il connaît l'appareil administratif comme sa poche. A lui seul, Abdelkader Labbaoui, 44 ans, énarque, conseiller du service public (un corps d'élite de l'administration tunisienne), incarne un observatoire minutieux des nouveaux recrutements, promotions et nominations depuis près de deux ans. Quotidiennement mises à jour, ses bases de données ont pour sources le Journal officiel, les décisions administratives, les articles de presse, « l'évènementiel » quand il tourne autour de polémiques sur des nominations partisanes, les contestations syndicales... Et aussi un unique réseau très étendu d'« informateurs » amis, de vraies taupes, implantés dans les ministères, les entreprises de l'Etat, les gouvernorats, les conseils régionaux, les délégations et les municipalités du nord au sud du pays.
Sur son bureau de président de l'Union tunisienne du service public et de la neutralité administrative situé à El Menzah VI, dans la banlieue résidentielle de Tunis, s'entassent des piles de dossiers de doléances signés par des agents de diverses catégories limogés au cours de ces derniers mois. Les messages et les témoignages de personnes révoltées ou en souffrance se poursuivent également sur la page Facebook de l'Union. Tel un Sherlock Holmes des arcanes de l'administration, Abdelkader Labbaoui ne cesse de croiser et de recouper ses sources, de vérifier un nom, de remonter l'historique d'un profil jusqu'aux listes électorales des trois partis au pouvoir du 23 octobre 2011. Son objectif : tirer de tous ces recensements et statistiques le nouveau paysage de la fonction publique...
Un jihadiste recruté dans un lycée à Tunis !
A la lumière d'un vrai travail de fourmi, il cite des chiffres : « 87,12% des nominations et recrutements dans le secteur public ont été effectués au profit de partisans ou de sympathisants de la Troïka, dont 93% au bénéfice de proches du mouvement Ennahdha. 19 gouverneurs sur 24 et 94 P.-D.G et DG ont été nommés sur la base de leur allégeance politique vis-à-vis du parti dirigeant le gouvernement. Voilà des faits qui remettent sérieusement en question l'impartialité du service public en cette délicate période transitoire. Sans le principe de la neutralité, l'appareil administratif qui exerce un pouvoir quotidien, direct et silencieux vis-à-vis du citoyen, devient un instrument subordonné au pouvoir politique, souvent aux dépens de la loi. Rappelons-nous lorsque au temps de Ben Ali, certains militants politiques se sont vus déposséder de leurs passeports».
Mais qui sont véritablement ces nouveaux agents et hauts cadres de l'Etat?
Ils se recrutent tout d'abord parmi les bénéficiaires du décret- loi sur l'amnistie générale, promulgué par Foued Mebazaa en février 2011, essentiellement des islamistes mais également des jihadistes purs et durs. L'hebdomadaire arabophone «Akher Khabar» avait dernièrement annoncé que Sabeur Rakoubi, impliqué dans les évènements de Soliman, a été nommé au commissariat régional du développement agricole de Sousse. Seif Eddine Raies, porte-parole d'Ansar Echaria, organisation classée terroriste par le ministère de l'Intérieur depuis juillet 2013, occupe aujourd'hui un poste dans le secteur de l'enseignement à Kairouan. Bilel Chaouachi, l'imam salafiste connu pour ses interventions hyperagressives sur le plateau de la chaîne de télé Ettounissiya, a été intégré le mois d'avril dernier dans un... lycée secondaire relevant de la délégation régionale de Tunis !
Ensuite, viennent les nouveaux « mounachidines », tous ceux qui, par leurs actions, leurs prises de position, leurs déclarations et leurs discours ont affiché leur allégeance totale à l'un des partis de la Troïka. Il faudra compter parmi cette catégorie des membres des Ligues de protection de la révolution, milice proche d'Ennahdha. Ainsi, le fameux Ricoba (de son vrai nom Mohamed Amine Agrebi) a intégré cet été les rangs du ministère de l'Emploi. Enfin et dans le cadre de la coalition gouvernementale, quelques postes ont été récupérés par les partisans d'Ettakatol, notamment dans le secteur bancaire (influence du ministre des Finances oblige), et du CPR, essentiellement dans les cabinets ministériels dirigés par des membres de ce parti.
Le phénomène s'amplifie au fil des jours
Mais le plus gros lot des nominations politiques revient au mouvement dirigé par Rached Ghannouchi. Des ambassadeurs et des consuls, des gouverneurs, des magistrats, des dizaines de P.-D.G. dans des secteurs stratégiques comme les médias, la sécurité, les statistiques et l'informatique, des centaines de directeurs généraux et de chefs de service, une armada de conseillers et de chargés de mission, des milliers de délégués, de « omda » et de membres de délégations spéciales se recrutant parmi la réserve de candidats islamistes aux élections du 23 octobre, mais également parmi les militants, les supporters et les sympathisants d'Ennahdha ont été désignés directement par Montplaisir (le quartier où siège le mouvement islamiste).
Les changements à la tête de l'administration tunisienne ont débuté très vite après la prise de pouvoir d'Ennahdha, à partir de janvier 2012. La cadence du mouvement, selon plusieurs observateurs de la scène politique, s'est emballée depuis la publication de la feuille de route par le Quartet, initiateur du dialogue national. Selon une déclaration de Hfaiedh Hfaiedh, SG adjoint de l'Ugtt chargé de la fonction publique, au quotidien arabophone Le Maghreb le 23 novembre dernier, ce secteur se révèle le butin de guerre des nahdhaouis qui sont passés aujourd'hui à une étape supérieure en y plaçant également les proches des anciens détenus politiques ».
« Une revanche sur un appareil d'Etat, globalement opposé à leur projet ? Et qui en plus d'avoir exclu les islamistes les a persécutés par le passé? », s'interroge le constitutionnaliste Ghazi Ghrairi.
Le mouvement a été suivi par une vague de grèves, de sit-in et de contestations, notamment syndicaux, dans plusieurs secteurs, celui des magistrats, des médias, des ingénieurs, des employés de la Cnrps, des cadres de la Steg, des agents du ministère des Affaires étrangères, du ministère du Commerce et de l'Artisanat, du ministère de l'Equipement... Et des procès contre le gouvernement qui remplissent les casiers des magistrats du Tribunal administratif ! L'inflation des nouvelles nominations serait-elle une réponse à la feuille de route qui préconise le remplacement du gouvernement Ali Laârayedh par un cabinet de compétences nationales non politisées pour assurer la prochaine phase électorale ?
« On cherche à mettre l'administration sous la coupe d'un parti. Or, on déséquilibre par là-même une administration tunisienne, qui a ses codes, ses valeurs, ses procédures, ses techniques acquises d'une promotion à l'autre. Paradoxalement, même s'il y avait une discontinuité entre la politique des beys réformistes du XIXe siècle, des Français au moment de la colonisation et celle du jeune Etat indépendant, Bourguiba a eu le trait de génie de poursuivre l'élan d'organisation d'un service public moderne. Il crée en 1962 l'ENA, qui a su donner à ses diverses promotions le patrimoine génétique de l'administration », affirme le juriste Iadh Ben Achour.
Les reconstitutions de carrière sèment les graines de l'injustice
Pour Yamina Zoghlami, députée du parti Ennahdha et présidente à l'Assemblée nationale constituante de la Commission des blessés et des martyrs de la révolution et de l'amnistie générale, dont la mission consiste à suivre l'évolution de la situation matérielle et morale des victimes du système Ben Ali : « Tout gouvernement élu, tel celui de Hollande en France ou d'Obama aux Etats-Unis, a le droit de faire des nominations politiques. Pourquoi nous reproche-t-on d'exercer l'une des prérogatives d'un gouvernement légitime ? ».
Sa collègue à l'ANC, Nadia Chaâbane, d'Al Massar, qui suit ce dossier depuis la discussion et l'adoption de la loi du 22 juin 2012 sur le recrutement exceptionnel dans la fonction publique (sans passer par les concours) et le décret sur la reconstitution de carrière des amnistiés (13 décembre 2012), ne partage pas cet avis : « Comment comparer la Tunisie et son gouvernement provisoire avec des modèles de démocraties séculaires ? On nous dit que l'administration laissée par Ben Ali est corrompue (fasda). Pourtant, elle a bien assuré la continuité de l'Etat pendant ces journées où le pouvoir politique a vacillé suite à la révolution. Eh bien aujourd'hui, avec toutes ces compétences décapitées, l'administration est devenue amorphe !».
Au-delà des chiffres des recrutements et des nominations ciblées, enjeu d'une bataille déclarée, entre la société civile et les officiels (voir notre encadré), l'application rapide de la loi sur la reconstitution des parcours professionnels des amnistiés crée des sources de tension dans le secteur public. Pour beaucoup, ce décret signé par Hamadi Jebali le 13 décembre 2012 favorise les uns au détriment des autres. Il fait gagner à des fonctionnaires de retour après plusieurs années de rupture avec la vie administrative jusqu'à quatre grades d'un seul coup !
Salem. A*, énarque de formation, était un jeune et dynamique directeur général d'un Centre hospitalo-universitaire. Sans explication, sans aucun reproche, ni la moindre note de service, il se voit démis de ses fonctions en septembre 2012. Celui qui l'a remplacé est un des amnistiés islamistes, favorisé par une reconstitution de carrière. Salem a eu le défaut de ne pas obéir à « des ordres semant le désordre », témoigne-t-il. « Ce qui n'a pas plu au ministe». Aujourd'hui, il chôme, traîne sans portefeuille, tourne en rond, cherche à s'inscrire dans d'autres créneaux...Il n'est pas le seul dans cette situation au ministère de la Santé publique: « Sept autres DG parmi les plus chevronnés ont subi le même sort. Certains ont été engagés dans des centres de formation fictifs, tel l'Institut de formation continue du personnel de la santé ou désignés en tant que seconds de directeurs beaucoup moins compétents qu'eux. Résultat : ils croupissent dans des frigos... Au ministère pourtant, ils reconnaissent que les gens qu'ils ont promus ne font pas du tout l'affaire : les crises et les problèmes augmentent dans le service public hospitalier, s'ensuit une insatisfaction en hausse des usagers. Mais ils ne reviennent pas sur leurs décisions ! ».
Est-ce le règne des incompétents ?
Jeudi 28 novembre. Malgré le froid et la pluie d'une matinée grisâtre et boudeuse, une centaine de grévistes, des ingénieurs du ministère de l'Agriculture, se rassemblent devant le siège du ministère à la rue Alain-Savary. La grogne monte de leurs rangs. Sur les slogans et banderoles accrochés ici et là, on lit : « Le décret 4128 est une atteinte au principe de l'égalité des chances et de l'efficacité du service public », « On ne peut pas gérer un ministère comme une ferme », « Le dialogue n'est pas un slogan ».
Par le décret 4128, les cadres en colère font référence au texte paru sur le JORT du 8 octobre 2013 et qui stipule que 21 ingénieurs amnistiés (en tête de liste, le ministre Mohamed Ben Salem) sont passés d'ingénieurs principaux (4 d'entre eux) et d'ingénieurs et ingénieurs adjoints (17) au grade d'ingénieurs généraux du corps commun des ingénieurs des administrations publiques. Le plus haut de la profession**. Résultat : cela a permis à deux d'entre eux d'être parachutés directeurs généraux !
« Comment un ingénieur peut-il être promu, sans aucun critère objectif et sans passer par les formations et concours adéquats ? C'est injuste de procéder à des reconstitutions de carrière de cette façon, alors que d'autres ingénieurs du ministère sont maintenus dans le même statut depuis vingt ans », proteste haut et fort Ezzedine Chalgaf, du Syndicat de base des ingénieurs du ministère de l'Agriculture. Sa prise de parole est suivie d'applaudissements appuyés. Plus loin, un autre ingénieur, la cinquantaine passée, témoigne sous le couvert de l'anonymat: « Le ministère a annoncé dans les médias que la récolte des olives a baissé de 65% pour cause de conditions climatiques défavorables. Faux. Archifaux. C'est l'absence flagrante de stratégie qui est la cause de cette perte. Même chose pour les céréales : on ne planifie plus rien ici. Si les choses se poursuivent sur ce rythme, nous allons perdre notre patrimoine de fruits dans deux ou trois ans. Voilà ce qui arrive lorsqu'un ministre écarte les techniciens qualifiés pour s'entourer de personnes inexpérimentées à son image ! ».
Vidéo de Ghannouchi : «L'administration n'est pasencore garantie»
Pour Tarak Rezgui, chargé de mission au ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, responsable du dossier des amnistiés, la reconstitution de carrière est venue réparer un préjudice subi par les prisonniers politiques, qui se sont retrouvés vingt ans après au même grade. Et puis déclare-t-il : « Que représentent les diplômés bénéficiaires de l'amnistie ? Un pourcentage minime dans cet océan qu'est l'administration tunisienne ».
Les poches de tension et de scepticisme, les recrutements anarchiques, la déstabilisation de la chaîne hiérarchique, l'interruption de la planification, le règne des incompétents a fait perdre, selon les chiffres de l'Union tunisienne du service public et de la neutralité administrative, plus de 50% du rendement du secteur public. Est-ce une tentative de démanteler l'un des territoires de l'Etat en y semant l'idéologie islamiste? Lorsqu'un ministre interrompt une réunion décisive pour aller effectuer sa prière avec l'ensemble de son cabinet ou lorsqu'on installe un muezzin dans un ministère, le ministère des Affaires religieuses soit-il, on change les repères et les codes d'un système fondé sur la neutralité. Et on exauce également l'un des vœux pieux du cheikh Rached Ghannouchi exprimé dans la vidéo fuitée du 10 octobre 2012 : « s'approprier un secteur jusque-là laïque, celui de l'administration »...
*Nous avons changé le nom de notre témoin pour le protéger contre d'éventuelles représailles de ses supérieurs hiérarchiques.
**Le 12 octobre 2013, le Conseil de l'ordre des ingénieurs tunisiens déposait une plainte contre Ali Laârayedh pour abus de pouvoir à la suite de la promotion dans le JORT du 8 octobre, de 21 ingénieurs islamistes.
La guerre des chiffres est déclarée
Trois ans après la révolution, les effectifs de l'administration tunisienne sont passés, selon plusieurs experts de la bonne gouvernance, de 591 000 agents le 14 janvier 2011 à 700 000 aujourd'hui, soit une augmentation de plus de 100 000 personnes. Les sources officielles avancent par ailleurs le chiffre de 650 000 fonctionnaires en tout en 2013 (une augmentation de 60 000).
« Il existe une boîte noire des nominations. Certaines, 2 à 3%, n'apparaissent pas sur le JORT. Elles concernent d'anciens militants du RCD recyclés par le parti islamiste ou des personnes dont les avantages s'avèrent trop importants pour être annoncés publiquement», révèle le président de l'Union tunisienne du service public et de la neutralité administrative.
Au ministère de l'Agriculture, le chef de cabinet Adel Saied assure que son ministère a recruté, en 2013, 1.200 cadres, experts et agents, dont 850 amnistiés, blessés de la révolution et des membres de familles de martyrs. Toutefois, une source administrative au sein de ce ministère nous a confié que les effectifs se sont sensiblement élevés depuis l'arrivée de Moncef Ben Salem à la tête du cabinet, passant de 14.803 agents en décembre 2011 à 24.000 en novembre 2013. Ce chiffre ne comprend pas bien sûr que les proches d'Ennahdha, mais il dit toute la contradiction entre deux sources de recensement.
On compte, selon les chiffres de l'Union, 21.800 bénéficiaires de l'amnistie générale, dont 11 000 ont retrouvé leurs postes. 20% de ces nouveaux fonctionnaires gèrent, contrairement à la loi, à côté de leur fonction administrative, une affaire privée. Les chiffres officiels, eux, annoncent à peu près 6 500 retours à la fonction publique d'anciens prisonniers politiques nahdhaouis. Selon Tarak Rezgui, chargé de mission au ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, plus de 60% des amnistiés sont classés dans la catégorie G de la fonction publique, occupant des postes de chaouche, gardiens, chauffeurs... O.B.


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