De jeunes talents de Kasserine et de Sidi Bouzid ont contribué à la réussite d'un spectacle aussi drôle qu'intelligemment construit. Dezz Thour ou la version d'un autre «destour»... Après avoir présenté deux performances à l'Amphithéâtre ISET de Sidi Bouzid et à la Maison de la culture de Kasserine, les jeunes artistes en herbe venant de Kasserine et de Sidi Bouzid ont donné, sous la direction des artistes Hatem Karoui et Ammar Ltifi, leur tout premier spectacle, Dezz Thour, mercredi dernier à l'espace El Teatro. Le spectacle a été précédé d'une vidéographie de Mohamed Néjib Rhimi, qui a filmé les différentes étapes du projet, entre autres les répétitions lors de l'atelier de théâtre et les témoignages des jeunes participants : 8 jeunes de Kasserine et 6 jeunes de Sidi Bouzid. Tout de suite après, on cède la place aux acteurs. La scène s'ouvre sur l'image du drapeau tunisien affiché tout au fond. On est dans une salle au siège de l'Assemblée nationale constituante. Une jeune femme est assise à son bureau. L'air irrité, elle répond aux appels téléphoniques venant de citoyens voulant des renseignements sur des articles de la nouvelle Constitution. Passant d'un sujet à l'autre, les questions comme les réponses sont toujours des plus inattendues. Et c'est à partir de là que la problématique de l'ambiguïté de quelques articles de la nouvelle Constitution tunisienne est caricaturalement soulevée. C'est comme pour nous dire que, bien que la nouvelle constitution représente un texte gravé dans le marbre, elle ouvre la porte à une multitude de lectures possibles. Selon la personne et le contexte dans lequel le document est utilisé, l'interprétation est différente, et parfois à mille lieues du sens original. C'est dans ce sens que les personnages qui défilent tour à tour sur scène, représentant chacun une catégorie différente de la société, donnent une lecture et une interprétation personnelle de tel ou tel article et nous livrent une vision drôle du contenu de chacun et de son rapport avec les vrais problèmes de la société tunisienne actuellement. C'est aussi et surtout la réaction des jeunes par rapport à la nouvelle Constitution qui est mise en scène dans ce travail. Entre satires et sketchs, une foison de jeux de mots, de vannes et autres galipettes verbales, on décortique les articles de la nouvelle Constitution, tout en faisant allusion à ce qu'elle a pu coûter au peuple tunisien : « Ne me rappelle pas...», lance un des personnages du spectacle : «... Deux ans et demi et 140 milliards!» Quant à la rédaction du texte de la pièce, elle a été précédée d'une formation en droit constitutionnel et, plus précisément, au nouveau texte constitutionnel, assurée par un professeur universitaire. Cette formation a permis aux jeunes talents d'approfondir leurs analyses et de connaître les détails du texte. D'après les directeurs artistiques de ce projet, ainsi que le spectacle à succès Slam fusion (Octobre 2013), «l'objectif de ces manifestations est le renforcement de la capacité des jeunes à utiliser des outils pacifiques et civilisés d'expression et consolider leur droit à exprimer leurs avis durant cette phase transitoire que traverse la Tunisie». Un beau travail alliant créativité, humour et drôlerie : le public était ravi !