Par Abdelhamid Gmati Le gouverneur de Médenine a fait une déclaration qui a retenu l'attention et suscité une certaine inquiétude. Il est, en effet, inhabituel que le premier responsable d'un gouvernorat avoue que la situation dans une localité sous son administration est hors de contrôle. «La situation à Ben Guerdane est grave», a-t-il dit, reconnaissant avoir des difficultés à «contrôler la situation devenue explosive». Certes, il y a eu des mouvements de protestation et des manifestations de la population qui revendiquent la réouverture du poste de passage frontalier de Ras Jedir. L'arrêt de leurs échanges de biens et de services avec la Libye les prive de leur unique source de revenus. Ce commerce, somme toute illégal mais toléré depuis des décennies par les différentes administrations, leur permettait d'avoir quelque source de revenus fautes d'entreprises et d'investissements locaux. Les habitants n'en sont pas à leurs premières manifestations revendiquant leur part de développement et cela s'est passé en général pacifiquement, sans violence ni casse. Mais ces derniers jours, d'autres éléments se sont ajoutés aux mouvements habituels. Il y a eu recours à des grèves successives, violences contre ceux qui voulaient reprendre le travail, incendie du local de l'Ugtt et utilisation de slogans hostiles au gouvernement et au Premier ministre Mehdi Jomâa. Ce qui a fait dire au gouverneur que «certaines parties tentent d'instaurer le chaos dans la région». De son côté, le secrétaire général adjoint du syndicat de la sécurité républicaine, Habib Rachdi, a déclaré que «la détérioration de la situation sécuritaire à Ben Guerdane est un plan mis en place par un parti politique appartenant à la Troïka. Ce plan viserait à saboter le développement de la région et la transformer en un passage ouvert pour les armes et les jihadistes tunisiens se trouvant actuellement en Syrie». C'est que le «petit trafic» de biens et marchandises était circonscrit à la région (comme d'ailleurs dans certaines régions frontalières avec l'Algérie) ; mais depuis trois ans, la contrebande s'est développée pour s'étendre à tout le pays et concerne essentiellement les armes, les stupéfiants et les terroristes. C'est à ce trafic dangereux pour la sécurité nationale que les forces de l'ordre ainsi que la douane et même la marine nationale font face. «A qui profite le désordre qui s'installe actuellement à Ben Guerdane?», se demande le gouverneur. Ces parties identifiées à demi-mots ont-elles des chances de réaliser leurs objectifs? L'avis du secrétaire général adjoint du Syndicat de la police républicaine, Habib Rachdi : «S'il y a des parties politiques qui cherchent à semer le désordre à Ben Guerdane, les agents de sécurité ne se laisseront pas faire et, quoiqu'il arrive, les jihadistes n'auront aucune chance de s'implanter en Tunisie». Et d'ajouter : «Je reproche au gouverneur de Médenine ses déclarations aux médias où il a indiqué que la ville était hors de contrôle. Ce n'est pas vrai. Nous sommes présents et les gens qui se rassemblent le soir et incendient les sièges de la police, des syndicats et des partis n'iront pas très loin, ni eux ni ceux qui les utilisent. Dans tous les cas, le corps sécuritaire connaît aujourd'hui très bien les agitateurs et plus rien ne nous fera peur ou reculer». Voilà qui est réconfortant. Autre action visant à susciter la peur : des médias ont affirmé que « selon des sources fiables, proches du gouvernement, l'Etat aura des difficultés à payer les salaires du mois d'avril... Cette annonce reprise à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux a quelque peu perturbé les fonctionnaires et les retraités. Mais les démentis se sont succédé de la part du bureau de presse du ministère des Finances qui a rassuré les Tunisiens sur leurs salaires, soulignant que «l'Etat dispose des ressources nécessaires pour honorer les salaires et les pensions de retraite». De son côté, le porte-parole officiel du gouvernement a nié que l'Etat soit dans l'incapacité de payer les salaires des fonctionnaires des institutions publiques. Il a affirmé que «le gouvernement est engagé à débourser les salaires des fonctionnaires dans les délais, en dépit des difficultés qui entachent la mobilisation des ressources financières publiques». Affirmation confirmée par le vice-gouverneur de la Banque Centrale. Selon certaines sources gouvernementales, des considérations politiques seraient à l'origine de ces rumeurs sans fondement. Qui a intérêt à faire peur ? La réponse coule de source : ceux qui ne veulent pas que le nouveau gouvernement réussisse. Ce qui mettra en évidence l'échec des précédents et leur incompétence. Il faudra quand même qu'un jour les responsables de la situation actuelle aient des comptes à rendre. Et il arrive que le salaire de la peur soit amer.