Charida est une pièce de théâtre à double sens, qui nous mène à réfléchir sur la condition de la femme en Tunisie et sur l'état du pays à l'heure actuelle. Le coup d'envoi de la dix-huitième édition du Festival de théâtre expérimental de Médenine a été donné lundi dernier, au centre culturel de la région, avec des spectacles de rue suivis d'une représentation théâtrale. A 16 heures dans les rues de la ville, les festivités ont coloré l'ambiance générale. Une troupe folklorique a traversé les artères, allant jusqu'au Centre des arts scéniques et dramatiques de Médenine. Composée de six musiciens et de deux danseurs qui incarnaient le personnage mythique de Bousaâdîa, cette troupe a fait vibrer la ville sur des rythmes de musique traditionnelle. Déguisés en Bousâadîa, effectuant des pas de danse inspirés de la culture africaine, castagnettes à la main, ils ont été suivis par les habitants de la région. Des jeunes et des moins jeunes, des femmes et des hommes, les suivaient à pied ou en voiture. Appareil photo à la main, ils prenaient des photos de souvenirs. Certains d'entre eux ont commencé à danser avec les Bousaâdîa, traduisant une joie de vivre et de la bonne ambiance. Place aux jeux d'acrobatie ensuite et aux numéros des clowns. Ensuite, à 18heures pile, à la même place, c'était au tour des élèves de l'école du cirque du Théâtre national de présenter, pendant une trentaine de minutes, un show amusant. Enveloppés dans les draps blancs, ils jouaient en toute agilité des tours qui ont ravi les petits comme les grands. Le travail artistique de ces six jeunes acrobates, formés à l'école du cirque du Théâtre national, a été dirigé par le metteur en scène Moez Achouri. «La prestation se basait sur les techniques du trapèze : le tissu, les sangles, la corde lisse et le mât chinois. Dans cette école du cirque, créée en 2003 et qui appartient au Théâtre national, nous essayons de former ces jeunes qui ont beaucoup de talents. Nous avons d'ailleurs joué dans plusieurs manifestations. Par ailleurs, cette école n'a pas de statut juridique et souffre de plusieurs problèmes : ce qui constitue une certaine entrave quant à l'évolution et la formation de ces jeunes acrobates», a témoigné Moez Achouri. Vers 21 heures, le public de toutes les générations a pris place dans l'auditorium du complexe culturel. La pièce d'ouverture intitulée Charida, produite par le Centre d'arts dramatiques et scéniques de Médenine (c'est la troisième production du centre), est jouée par les acteurs Lotfi Najah, Hajer Saïd, Idris Abdelkaoui et Afef Houaydi. Il s'agit d'une famille du Sud tunisien, composée de deux frères et deux sœurs. Charida, la petite sœur, est le personnage central dans la pièce. C'est une jeune fille qui a été forcée à se marier avec un homme qu'elle ne connaît pas. Poussée par son frère aîné, «Dhaw» (lumière), dont le nom symbolisait la force, l'autorité et l'amour de la possession, elle se perd et ne sait plus quelle décision prendre. La pièce qui se joue dans l'obscurité, dans une alternance entre silence et musique, oscille entre le drame et la comédie. Le jeu des acteurs et la tension dramatique progressent petit à petit, pour atteindre leur apogée vers la fin de la pièce, révélant une question intrigante. Faut-il se battre pour sauver cette jeune femme? L'échange des didascalies entre les personnages est tantôt tendre, tantôt agressif, révélant des rapports tendus et compliqués, et d'autres plus complices entre les membres de cette famille. Notamment entre le protagoniste «Dhaw» et sa sœur «Sahra», deux personnages de caractère incarnant deux forces qui s'opposent. L'étude psychologique des personnages —comme «Sahra», femme divorcée et stérile qui représente la voix de la sagesse, ou le petit frère «Sghaier», effacé et sans personnalité, qui est écrasé par son frère aîné—, nous en dit beaucoup sur les rapports qui commandent les relations entre les membres de la famille dans le Sud, et sur l'état du pays à l'heure actuelle. Charida est une pièce de théâtre à double sens, qui nous mène à réfléchir sur la condition de la femme en Tunisie et sur l'état du pays à l'heure actuelle. La débat qui a succédé la pièce s'est poursuivi jusqu'à une heure tardive, relevant des questions d'ordre technique, qui mettent l'accent sur le fond et sur la forme de cette pièce écrite et mise en scène par Farhat Debbech.