Lundi 14 juillet. Quatrième soirée du Festival international de Carthage. Le public était bien nombreux, mais on ne se bousculait pas pour autant. Jeunes, et surtout moins jeunes, sont venus vibrer aux mélodies inoubliables des pionniers de la chanson tunisienne. Des compositions, de registres différents, écrites et interprétées entre les années vingt et les années soixante par des artistes d'exception qui nous ont légué un patrimoine riche, diversifié et d'une rare qualité. Mohamed Triki, Khemaies Tarnène, Ali Riahi, Hédi jouini, Mohamed Jammoussi, Ridha Kalai, Salah Mehdi, Sadok Thraya, Chedly Anouar, Saliha, Naâma, Oulaya, Temimi... c'est à ces compositeurs et interprètes dont l'œuvre a marqué le répertoire musical national que Zied Gharsa, accompagné de Leila Hjaiej, Hssan Dahmani, Eya Daghnouj et la troupe de l'Association Carthage pour le Malouf et la musique tunisienne, a rendu hommage. El khadhra etghanni. C'est de cette manière que le détenteur et héritier du patrimoine musical savant a baptisé ce spectacle décliné en une quinzaine de chansons. Est-ce par emprunt ou par référence à l'ouvrage Tunis chante et danse de Hamadi Abassi? Si c'est le cas, l'inspiration en matière de naming semble vraiment manquer! Comme prélude au spectacle, des «clips» d'antan en noir et blanc sont projetés sur l'écran géant, histoire de mettre le public dans le bain et de rafraîchir les mémoires. A 22h45, le générique du festival est lancé. Le drapeau de la Palestine est projeté pendant quelques secondes comme clin d'œil au massacre de Gaza (est-ce suffisant?). Puis, entrée sur scène des musiciens suivie de celle des trois interprètes qui prennent place. Enfin, grande surprise : de blanc vêtu, Zied Gharsa fait une entrée spectaculaire : il est escorté par cinq gardes du corps (si notre compte est bon) qui ne se sont éclipsés qu'après le jeu des premières notes! Est-ce une idée de la direction du festival ou celle de l'artiste? Nous penchons pour la deuxième hypothèse puisque tout au long du spectacle, nous avons remarqué, pour la première fois d'ailleurs, et à travers différents moyens, qu'il tenait à «faire la star». En a-t-il besoin? Certainement pas. Bien au contraire, cela nuirait davantage à son image! Dommage. Revenons au concert en lui-même. El khadhra etghanni est présenté sous la forme d'une rétrospective non chronologique de quelques joyaux de la chanson tunisienne. Zied Gharsa a, en fait, effectué un simple travail de compilation et d'exécution. La seule création réside dans la réécriture des nouvelles introductions et des liaisons des mélodies, certes un peu revisitées. Entouré des meilleurs musiciens (surtout les violonistes), mettant l'accent sur les sonorités collectives, il a présenté un concert de qualité comme il l'a toujours fait. Seuls bémols : la porte traditionnelle kitsch en guise de décor, la chorégraphie sans aucune valeur ajoutée, aux mouvements «consommés» et surtout, l'ego un peu plus développé que la normale de Zied, nous semblait-il... Au fil de cette soirée rétro à caractère didactique, le rythme est allé crescendo. Le public est acquis et conquis. Applaudissements, danses, chants et youyous entonnent dans l'air de l'amphithéâtre de Carthage. Après ce spectacle, la seule question qui se pose est la suivante : Et si la Tunisie se remettait à chanter?