le patrimoine matériel et immatériel de Sfax Invités par la Délégation de l'Union européenne en Tunisie, trente chasseurs d'images venus des deux rives de la Méditerranée ont photographié Sfax sous toutes ses coutures. Un beau livre a été tiré de cette résidence artistique euromaghrébine. Un appareil-photo accroché en bandoulière, ils n'avaient que quatre jours pour sillonner la ville de Sfax, sa Médina, ses quartiers commerçants, son port, ses banlieues et d'en tirer, en fin de parcours, uniquement cinq clichés. Il s'agit là de l'une de ces contraintes qui dopent la créativité des artistes : le temps a été plus que précieux pour ces trente photographes professionnels venus des deux rives de la Méditerranée en résidence artistique euromaghrébine l'été dernier à Sfax. Invités par la Délégation de l'Union européenne en Tunisie, la plupart d'entre eux ont découvert la capitale du Sud pour la première fois. L'expérience a donné lieu à plusieurs expositions de photos. Tout d'abord à Sfax, sur les murs de la Médina et sur des structures métalliques installées sur la place piétonne. « Les 100 mètres » au centre-ville et aussi, le 6 novembre dernier, dans la galerie la Kasbah. L'exposition s'est ensuite déplacée à Tunis pour prendre place, en décembre dernier, au Palais Kheireddine, dans la Médina de Tunis. Un bel ouvrage, un livre d'art et d'images de 205 pages, a été tiré de cette initiative. «Le projet Sfax prend ses origines dans la volonté d'encourager la candidature de la Médina de Sfax au patrimoine mondial de l'Unesco et de faire connaître l'héritage culturel et les traditions sfaxiennes, héritées des nombreuses civilisations qui y ont séjourné, un reflet de l'histoire méditerranéenne et un trait d'union entre l'Orient, l'Afrique et l'Occident », écrit Laura Baeza, chef de la Délégation de l'Union européenne en Tunisie, dans la préface du livre. Bien que le thème initial du projet soit la Médina de Sfax, le commissaire de la manifestation, Juan Angel de Corral, a choisi de laisser les artistes libres de leurs inspirations, de leurs mouvements et de leurs points de vue sur la ville, dont ils ont saisi le particulier et le meilleur : des images vibrantes de vie et de mouvements, comme cette cité laborieuse sait en produire. Point de cliché folklorique ou exotique ici, car « Une photo sympathique n'est pas de l'art », note Juan Angel de Corral. Avec juste cinq photos, la Tunisienne Ons Abid a su raconter les métiers de la ville, le Polonais Tomek Sikora a ressuscité ses foules bigarrées, le Hongrois Akos Major a capté le minimalisme de ses paysages lagunaires, le Finlandais Tuomas Uusheimo a suivi le fil de ses stations de bus et le Hollandais Job Stribos, ses bornes d'affichage urbain. Les ruelles étroites de la Médina et son architecture intimiste sont mises en relief par le travail de l'Algérien Rafik Zaidi. Les Marocains Mohamed Chamali et Karim Boumais rendent hommage à ses artisans. La richesse des points de vue artistiques sur Sfax est accentuée par la diversité des techniques photographiques utilisées dans cet ouvrage : superposition d'images, photoshop, couleur sépia... « Les techniques photographiques et numériques sont l'orthographe, la syntaxe et la prosodie de la langue d'un photographe. Les connaître et les utiliser adéquatement, c'est commencer à parler avec clarté », écrit le commissaire Juan Angel de Corral dans l'introduction du livre. Un livre comme un beau plaidoyer en faveur de l'inscription de Sfax sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.