A l'occasion de l'anniversaire de la naissance du Combattant suprême, Habib Bourguiba (3 août 1903), il y a des souvenirs qui persistent et qui demeurent éternellement dans les mémoires. Je ne peux m'empêcher, en cette ère de la révolution du peuple qui nous a offert la liberté d'expression, de vous narrer les péripéties de cette nuit d'automne du mois de novembre 1987 qui m'a permis de vivre un cauchemar inoubliable. Je me trouvais sans rendez-vous préalable à l'avenue Habib- Bourguiba à Tunis vers le coup de 22h00. A ma grande surprise, cette avenue, centre névalgique de la capitale, était pleine à craquer, environ cinq mille personnes toutes immobilisées et lorgnant la même direction, celle de la place où était érigée avec toute sa splendeur la statue du héros de l'indépendance de la Tunisie, le leader Habib Bourguiba, premier président de la République tunisienne indépendante, monté sur un superbe pur-sang arabe. Tout ce beau monde attendait avec impatience le déroulement d'un événement mémorable dans une ambiance de recueillement. La circulation était interrompue, un silence glacial planait sur les lieux. A minuit pile, une grue de couleur jaune conduite par une équipe d'adeptes cautionnés par le président déchu se mit en branle, puis s'avança vers la statue, ses occupants, bien équipés en matériel de destruction, déracinèrent par le socle en un laps de temps cette œuvre architecturale de valeur historique inestimable, après l'avoir fait pivoter à deux reprises en l'air avant de l'embarquer dans un camion municipal vers une destination que j'ignorais. L'assistance présente, traumatisée, n'a eu pour seule réaction que retenir difficilement ses larmes en guise de consolation. Cependant, ces milliers de personnes présentes avaient toute une pensée commune au fond du cœur : «Quel sera l'avenir de la Tunisie sous le pouvoir de l'inconnu ?». Quant à moi, j'étais perturbé et anxieux en essayant de tirer les conclusions de ce mélodrame dont j'étais le témoin oculaire malgré moi. Trois décennies de militantisme au service de la Tunisie sont tombés à l'eau en quelques minutes sous le joug de l'infidélité, de la haine, de l'égoïsme et de l'ingratitude... Mais comme l'avenir est à Dieu, la sentence est tombée comme une foudre le 14 janvier 2011 sous le poids de la révolution sacrée du peuple qui a ébloui le monde...