La France vient de débloquer 600 mille euros pour l'appui à la modernisation et la décentralisation de l'administration tunisienne La stratégie nationale de lutte contre la corruption prendra, désormais, forme. Ainsi, tous les mécanismes répressifs à effet dissuasif sont fin prêts, afin de renforcer la prévention et la bonne gouvernance dans la gestion des affaires. Ce faisant, le gouvernement a fait appel à des compétences et des expertises d'outre-mer, voulant, essentiellement, s'inspirer de l'expérience française. D'ailleurs, le séminaire tenu conjointement, hier, à La Marsa, dans la banlieue nord de Tunis, sur « la prévention de la corruption : une exigence démocratique dans un Etat de droit », s'inscrit dans le cadre d'une coopération bilatérale en la matière qui commence à porter ses fruits. L'objectif est de rechercher ensemble les outils et les moyens les plus appropriés pour se prémunir contre ce fléau. Dans ses déclarations aux médias, M. Anouar Ben Khlifa, secrétaire d'Etat à la Gouvernance et à la Fonction publique, a fait la lumière sur le processus de prévention de la corruption que le pays envisage d'instaurer, suite à des réflexions approfondies engagées dans ce sens. Et, partant, le cadre juridique ayant trait au sujet est presque finalisé. « L'on a procédé à la mise au point de trois nouveaux textes de loi relatifs à l'enrichissement illicite, à la déclaration sur les biens acquis et à l'information le cas échéant de corruption, et ce, conformément aux standards», a-t-il précisé, soulignant que d'ici début 2015, un portail électronique sera fin prêt, destiné à recevoir les informations sur les cas suspects relevés dans n'importe quel domaine. Le citoyen volontaire devrait, ainsi, s'y mettre. Car, la bonne gestion de l'argent public n'est pas uniquement du ressort de l'Etat, mais aussi du citoyen qui doit assumer sa part de responsabilité. Depuis juin dernier, rappelle M. Khlifa, un code d'éthique pour les agents de la Fonction publique a vu le jour, l'ultime but étant de consolider le principe de la transparence et d'intégrité. Autre facteur catalyseur : les engagements de la Tunisie à respecter les règles de la transparence dans les transactions financières, les marchés publics, les rapports relatifs au budget de l'Etat et à la gestion des ressources naturelles. Tous sont des renforts qui aident à la lutte contre la corruption. Une politique d'Etat non de gouvernement Un phénomène qui gagne encore du terrain, sans le moindre contrôle ni de l'administration ni de la Cour des comptes, avoue M. Samir Annabi, président de l'Instance nationale de la lutte contre la corruption. Constitutionnalisée, cette instance se dote, désormais, de son autonomie et d'un pouvoir décisionnel, l'habilitant à trancher sur les dossiers qui lui parviennent. « Grâce aux travaux de la première commission contre les dépassements et la malversation, instituée juste après la révolution, on a découvert que la corruption a été, en fait, érigée en système de gouvernement. Nous étions, totalement, démunis pour faire face à cette situation, par manque de connaissances, de méthodes et de techniciens», a-t-il déploré. Faute de coordination, a-t-il encore relevé, la prolifération d'institutions de lutte avait beaucoup plus compliqué les choses plutôt que de les faciliter. En dépit de ces difficultés de parcours, l'actuelle instance est en train d'avancer à pas sûrs. Et la nouvelle Constitution qui l'a fait naître, a hissé la gouvernance et la lutte contre la corruption au niveau de la politique de l'Etat et non celle du gouvernement. « Nous sommes en train de former son staff. Avec la prochaine Assemblée des représentants du peuple, cette instance commencera à fonctionner», prévoit-il. Ce plan d'action, avec ses mécanismes d'appoint, est en mesure de promouvoir les bonnes pratiques et la gestion des risques. Pour ce faire, l'ambassadeur de France en Tunisie, M. François Gouyette a indiqué que son pays vient de débloquer 600 mille euros (plus de 1.200.000 dinars), en guise d'appui à la modernisation de l'administration tunisienne et sa décentralisation. D'autres actions ont été, également, mises en place dans le cadre de son soutien à la bonne gouvernance, à travers la formation de journalistes en matière d'investigation sur ces faits de malversation. A ce propos, M. Kamel Ben Amara, constituant membre de la commission de lutte contre la corruption et la réforme administrative à l'ANC, a fait remarquer que le premier lot des biens confisqués, appartenant à Ben Ali et ses proches, a rapporté quelque 30 mille milliards, soit plus du montant alloué au budget de l'Etat. « Ces fonds colossaux ont mis à nu l'ampleur de la corruption existant avant la révolution. Ces biens mal acquis sont maintenant sous la responsabilité du ministère des Finances.. », a-t-il souligné, évoquant que des lois à caractère répressif seront prochainement examinées en plénière, que ce soit à l'ANC ou devant la future Chambre parlementaire.