Le roman résiste à toute envie de finir les histoires commencées et n'obéit pas à une écriture sur la révolution et les élections, mais il est plutôt le propre de la vie, des rencontres et des relations humaines Une rencontre littéraire a été organisée, vendredi dernier, à l'espace culturel et artistique l'Agora. Cette rencontre culturelle, signée par le trio Azza Filali, Mondher Jebbari et Aïda Mati, était l'occasion de la parution du tout dernier roman de Azza Filali intitulé Les intranquilles . Cet ouvrage, de 250 pages et de 36 chapitres, a été édité chez «Elyzad éditions». Ce rendez-vous artistique, qui a connu une belle affluence d'un public passionné de littérature, a été présenté par le professeur de littérature française, Mondher Jebbari, et animé par la chanteuse Aïda Mati. Des airs classiques puisés dans le patrimoine musical tunisien, à l'instar de «Maftoun bkhazrit ayniha» et «Law ken essabr ytaffi nari» ont été offerts à l'assistance par la talentueuse artiste, avant de céder la parole à la romancière pour nous éclairer sur son nouvel ouvrage et lancer le débat. Dirigée par Mondher Jebbari, la discussion a porté sur la présence féminine dans l'œuvre, avec notamment le personnage de «Zeynab», un personnage atypique que l'on rencontre dans le deuxième chapitre et caractérisé par une insensibilité extrême. En effet, la romancière s'est focalisée, dés le début de son intervention, sur le choix du titre de son roman. Les Intranquilles, un titre accrocheur, m'est venu en relisant le texte, a -t -elle précisé, «mais l'intranquillité a surgi à un moment bien plus précis. Il y a, d'ailleurs, une ligne directrice qui m'a conduit finalement à choisir ce titre, c'est celle des personnages omniprésents dans l'ouvrage qui se rencontrent, se croisent et créent une certaine continuité dans le texte». «C'est la littérature qui se greffe à l'actualité de l'après-révolution, on parlait, certes, dans ce roman des faits de La Kasbah 2, les premières élections et de l'Histoire de la Tunisie», a -t- elle expliqué à ses invités avant de céder la parole à Mondher Jebbari pour analyser et éclairer le public sur les spécificités textuelles de ce roman. Les chapitres qui parcourent le livre se placent à une époque bien précise de l'Histoire tunisienne, dans une époque actuelle, mais notons aussi que ce roman est bien chargé d'autres thématiques intéressantes. En effet, on parle, dans ce texte, de personnages qui ont des anomalies physiques, un thème qui se met en place en toile de fond, sur lesquels surgissent d'autres histoires encore plus profondes. «La particularité de ce livre réside dans son côté atypique, que l'on dégage précisément dans le deuxième chapitre évoquant «ces histoires de peau». Une anomalie qui se présente comme une métaphore évoquant des interrogations sur la communion entre les personnages. Cette communion serait- elle un obstacle ou une ouverture», s'interroge Mondher Jebbari. En répondant à cette question, Azza Filali a souligné que le schéma du discours dans Les intranquilles reflète et dévoile les désirs refoulés, enfouis dans les profondeurs de l'esprit humain exprimé par un discours muet et le langage du corps. Un texte-leurre «J'avoue que mon ouvrage m'a très vite échappé; étant donné que j'étais bien engagée dans cette histoire de peau et de ses maladies. Ce n'était pas du tout ce que je voulais dire, et nullement ma quête de départ. L'intranquilité m'est venue par hasard, en relisant et en remaniant plusieurs fois mon texte pour aboutir à cette forme finale», explique Azza Filali. Et elle ajoute, c'est une écriture qui ne cherche pas à institutionnaliser la forme; d'ailleurs, mes personnages qui s'entrecroisent tout au long du roman vivent et se rencontrent sur des orbites différentes. Le roman résiste donc à toute envie de finir les histoires commencées et n'obéit pas à une écriture sur la révolution et les élections, mais il est plutôt le propre de la vie, des rencontres et des relations humaines. Il creuse et cherche dans les tréfonds de l'être humain et dégage des questions en étroite relation avec l'argent, l'amour et la foi, conclut-elle. Au terme de la rencontre, la romancière Azza Filali a tenu à expliquer qu'à travers son livre, elle a voulu dessiner cette insensibilité face à la vie et aux émotions qui traversent les événements, le temps et l'espace.