Le contrôle de l'argent sale de plus en plus difficile, compte tenu de l'évolution des outils financiers et la dématérialisation des transactions Les parlementaires ont reçu hier après-midi le ministre des Finances, Slim Chaker, et le gouverneur de la Banque centrale, Chedly Ayari, pour les entendre sur la question du blanchiment de l'argent sale, lié, en partie, à celui de la lutte contre le terrorisme. Le gouverneur de la Banque centrale a exposé à cette occasion les origines du blanchiment d'argent et la difficulté de le détecter avec les outils classiques de contrôle. Depuis une vingtaine d'années, la Tunisie a en effet connu un essor considérable qui a généré une hausse du produit intérieur brut et a fortiori une grande quantité d'argent en circulation et la difficulté de contrôle qui l'accompagne. Pour le gouverneur, qui assume l'étiquette de « conservateur » collée par Houcine Jaziri (Ennahdha) et Fadhel Omrane (Nida Tounès), quand il y a de l'argent, l'Etat doit connaître «sa provenance et sa destination». «Certains étrangers richissimes sont prêts à faire rentrer des sommes énormes en argent liquide, si l'Etat ne leur demande pas d'où il provient, déclare Chedly Ayari. Je n'ai pas pour ambition de devenir un hub financier à n'importe quel prix, je fais partie de la vielle école, j'ai des valeurs», lance-t-il. Mais le contrôle de «la provenance et la destination» de l'argent est de plus en plus difficile compte tenu de la formidable évolution des outils financiers qui fait que les opérations financières se dématérialisent. «Autant l'ouverture sur l'économie mondiale est porteuse d'opportunités, autant elle comporte des risques de blanchiment d'argent sale», affirme le gouverneur de la Banque centrale. Pour ne rien arranger à la situation, la porosité des frontières avec nos voisins depuis 4 ans a favorisé la circulation d'une quantité phénoménale d'argent dont les sources ne sont pas toujours connues. Certains sont pour... Tout comme la loi 75 de 2003, le nouveau projet de loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent prévoit « l'obligation de déclaration des flux suspicieux» qui pèse sur les banques d'affaires, comme l'affirme Habiba Ben Salem, secrétaire générale de la Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf), l'organisme chargé de recevoir et d'examiner ces «déclarations de suspicion». Le projet de loi préconise également une «gestion prudente» de la part des organismes et associations sujets à ce type de risques. Une prudence qui passe mal pour la frange des députés libéraux dont les déclarations pourraient choquer plus d'un. «Nous devons cesser d'être trop prudents et tenter de drainer la manne financière libyenne, déclare Fadhel Omrane. Pourquoi est-ce que cet argent part vers des pays moins regardants sur les détails des transactions». Une vision ultralibérale de la question partagée par le nahdhaoui et ex-ministre Houcine Jaziri, qui souhaiterait, lui, que l'argent libyen atterrisse en Tunisie et non pas aux Emirats Arabes Unis ou en Turquie.