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Exclusif: Les derniers jours si pénibles de Béji Caïd Essebsi
Publié dans Leaders le 02 - 08 - 2019

Le président Caïd Essesbi, qui avait eu une semaine très active, ponctuée par une série d'audiences et de réunions (Madeleine Albright, Nabil Baffoun, président de l'Isie…), se réveille mal en point. Examens rapides, soupçons de gastrite.
Pour écarter tout doute, le Dr Moez Belkhodja, cardiologue, médecin personnel du président Caïd Essebsi et son gendre, qui réside près de lui à Dar Essalem, modeste villa à l'entrée du palais de Carthage, préfère le soumettre à des explorations plus approfondies à l'Hôpital militaire de Tunis. Rien de grave, pronostiqueront les médecins. Il y passera la nuit sous observation et le samedi matin, tous rassurés, il regagnera son domicile. Ça ne sera que la première séquence de trois hospitalisations successives en moins de quatre semaines.
Jeudi 27 juin 2019
Le matin
Il est 6h du matin. Comme à l'accoutumée, le Dr Moez Belkhodja passe au chevet du Président Caïd Essebsi. D'habitude, ils prennent tous le petit-déjeuner en famille, hiver comme été, à la même heure. Ces derniers temps, le Président s'accorde des moments supplémentaires. Rien à signaler, relève Dr Belkhodja. La veille, il est vrai que le Président ressentait quelques petites douleurs, séquelles de la gastrite de la semaine d'avant. Affectueusement entouré de son épouse, Saïda, de ses deux filles, Amel et Saloua, et de sa belle-fille Rym, il a passé une bonne nuit.
Rassuré, Dr Belkhoja s'apprêtait à quitter Carthage pour se rendre à son cabinet médical (il est en libre pratique) au Kram, lorsque son fils aîné, Aziz, le prie de rester encore quelques minutes pour partager ensemble le petit-déjeuner. On ne refuse jamais un petit moment de bonheur avec son fils qu'on ne voit pas suffisamment. Soudain, peu avant 7 heures du matin, c'est Saloua qui vient alerter son mari Dr Belkhodja que son père va mal. D'urgence, il monte quatre à quatre les marches vers l'étage et constate qu'effectivement, le Président est mal en point. Premiers gestes d'urgence prodigués, il décide de contacter le Pr Mustapha Ferjani, directeur général de la Santé militaire (depuis 2017) et longtemps chef du service de réanimation-anesthésie à l'Hôpital militaire de Tunis, qui, heureuse coïncidence, n'habite pas loin de Carthage. Une sage décision, parce que le professeur et son équipe avaient déjà pris en charge le Président Caïd Essebsi une semaine auparavant, et parce que l'Hôpital militaire est l'établissement sanitaire le mieux indiqué en équipes et équipements pour pareil cas.
Immédiatement, l'ambulance de la Présidence de la République est arrivée et l'évacuation vers l'Hôpital militaire est engagée. Le bruit commence à courir. Des « âmes charitables » se chargent de bombarder chancelleries et rédactions, mais aussi états-majors de partis de folles rumeurs. En l'absence d'un bulletin de santé signé par les médecins traitants (certainement trop occupés, on le comprend), un communiqué de presse, mentionnant une «crise aiguë» — ce qui est un signe de transparence et de sincérité de la part de Carthage — alerte les Tunisiens et les alarme. Comme un malheur n'arrive jamais seul, la capitale subit presque au même moment un double attentat terroriste... Les Tunisiens plongent dans la consternation.
Au Bardo, les manigances commencent... Vacance provisoire du pouvoir, vacance définitive, les appétits n'ont ni limites, ni pudeur... Alerté, le président de l'Assemblée nationale, Mohamed Ennaceur, légèrement affaibli, se précipite de sortir de son repos pour rallier Le Bardo et couper l'herbe sous les pieds des prétendants...
Silence radio à l'Hôpital militaire vers lequel se tournent tous les regards à l'affût du moindre signe.
Jeudi 27 juin 2019
L'après-midi
Premier signe positif. Le Président commence à émerger de son malaise.
La proche famille est là. Des visiteurs se pressent à l'Hôpital militaire pour s'enquérir de son état de santé : Ennaceur, Chahed... Courtoisement reçus dans un salon avoisinant du bloc, ils sont quelque peu rassurés par les équipes médicales.
Vendredi 28 juin 2019
Le Président va mieux. Il a passé une bonne nuit. Il retrouve son humour. Le ministre de la Défense nationale, Abdelkérim Zbidi, qui avait appelé au téléphone le Pr Ferjani pour prendre de ses nouvelles, est rassuré. Tellement rassuré que le Pr Ferjani, qui était au chevet de son illustre patient, lui passe le Président.
L'équipe médicale, médecins et paramédicaux sont ravis de voir le Président émerger, lentement mais de manière significative et surtout retrouver sa verve. Demandant à l'un d'eux son nom, il lui dira immédiatement qu'il doit être originaire de telle localité et sans doute proche d'un illustre militant destourien. «C'est mon grand-père !», répondra étonné et fier le jeune médecin. «Un très grand patriote, dira le Président. Il avait pris Bourguiba sur son dos, pour le faire franchir des lignes contrôlées par les militaires français, pas loin des frontières avec l'Algérie. Oui, sur le dos !». Ebahis, tous les membres de l'équipe médicale reçoivent en direct une nouvelle leçon d'histoire.
Mise à jour : Youssef Chahed
« Je me suis rendu à l'hôpital militaire, le 28 juin, le lendemain de l'admission du président Caïd Essebsi, pour m'enquérir de son état de santé, révèlera Youssef Chahed dans une interview sur Watanya TV 1, le 1er août. Informé de ma présence, il m'a invité à me rendre à son chevet, en salle de réanimation. »
Samedi 29 juin, le matin
Après une bonne nuit de sommeil, le Président se lève tôt comme à son habitude, de très bonne humeur. Premier geste, il appelle au téléphone son épouse, Saïda Chadlia, affectueusement appelée Seydouna par tous. Une grande passion d'amour les lie depuis plus de 60 ans... Béji Caïd Essebsi se fait fort de la rassurer sur sa convalescence qui commence bien et lui fera un aveu : «J'aurais dû t'écouter davantage, lorsque tu me recommandais de ralentir mes activités et de prendre plus soin de ma santé. Cette fois-ci, j'ai compris la leçon. Je m'y conformerai et je ne me précipiterai pas de quitter l'hôpital. D'ailleurs ici, on est bien, très bien (rires). Tu sais, ma chère...».
Dr Moez Belkhodja, qui ne l'a pas quitté un seul instant, s'en amuse et y voit de très bons signes. Il reconnaît au Président Caïd Essebsi une mémoire sans défaillance, un humour percutant et le sens de la réplique.
A Carthage, Mme Caïd Essebsi, comme les autres membres de la famille, est profondément perturbée par ce qui arrive à son compagnon et son amour, traversée par le doute, mais sans le montrer, s'efforçant de chasser de sa mémoire les mauvaises idées et contenir son émotion. Elle était à l'affût de la moindre nouvelle. Elle ne pouvait alors être plus réconfortée que par cet appel qui la comblera de bonheur.
Depuis Paris, Jean-Pierre Elkabbach, un ami de longue date du couple présidentiel, appelle Seydouna, peu avant 9 heures du matin, pour demander des nouvelles du Président. Ça ne pouvait pas mieux tomber. Mme Caïd Essebsi lui révèlera le coup de fil qu'elle venait juste de recevoir de son mari. Hamdoullah!
Lundi 1er juillet
Les nouvelles sont bonnes, évolution progressive. Au cinquième jour de son admission à l'Hôpital militaire, le Président Caïd Essebsi s'apprête à regagner sa résidence Dar Essalem au Palais de Carthage. L'équipe médicale est très contente («même s'il nous manquera», dira un médecin). La famille est aux anges.
Peu après 18h, les adieux aux équipes de l'Hôpital militaire seront affectueux, pleins d'humour. Le Président Caïd Essebsi tient à saluer chacun, un à un, les féliciter et les remercier. «Je passerai vous voir, juste pour vous dire bonjour, leur lancera-t-il. Mais, vous, n'hésitez pas à passer me voir. Vous savez où j'habite... pour le moment.» Du Caïd Essebsi en entier.
A 19 heures précises, le Président arrive au Palais de Carthage. Du pur bonheur. Pour lui, pour les siens et pour les Tunisiens.
Jeudi 4 juillet
L'Emir du Qatar, Cheikh Tamim Bin Hamad, est le premier souverain à s'annoncer au téléphone pour s'enquérir directement auprès du Président Caïd Essebsi de son état de santé et formant les vœux d'une bonne convalescence.
Vendredi 5 juillet
«Bajbouj» commence à manquer à ses fans, impatients de le voir, de l'écouter, une manière de se rassurer, après les vagues déferlantes de fake news. Ils seront servis. En partie, du moins.
Ultimes échéances : le président de la République signera deux décrets très attendus relatifs, le premier à la prolongation pendant un mois de l'état d'urgence, et le second à la convocation du corps électoral pour des législatives le dimanches 6 octobre 2019. Cette convocation donne ainsi le coup d'envoi de l'ensemble du processus de renouvellement de l'ARP.
Ces signatures apposées, le président Caïd Essebsi les annoncera dans une brève allocution télévisée prononcée à partir de son bureau dans sa résidence de Dar Essalem au Palais de Carthage.
Rassurés, les Tunisiens n'en sont pas pour autant étanchés. Mais, au moins, il est là, il reprend ses activités...
Le Roi d'Arabie Saoudite, Salmane Bin Abdelaziz, appelle le président de la République pour lui souhaiter un prompt rétablissement.
Il sera suivi en cela par le président palestinien, Mahmoud Abbas.
Vendredi 19 juillet
Un lourd silence enveloppe la Tunisie, une grande interrogation à la clé: signera, signera pas ? La date butoir pour la promulgation de la loi votée serait, selon des constitutionnalistes, ce vendredi à minuit. La nouvelle loi portant révision de la loi électorale, adoptée par l'ARP, constitue une véritable pomme de discorde, clivant les camps. Qualifiée par ses détracteurs de «loi d'exclusion» parce qu'elle pose des conditions jugées «iniques» aux candidats aux élections législatives et à la présidentielle, notamment ceux qui détiennent des médias massifs inféodés à leur propagande et ceux qui dirigent des associations en apparence caritatives, mais en fait de recrutement d'électeurs, fait l'objet de grandes controverses. Laisser les Nabil Karoui, Olfa Tarres et autres solliciter librement les suffrages des Tunisiens ou leur barrer la route, avant d'accéder aux élections ? Le bras de fer entre les initiateurs de la loi (le gouvernement et les partis Ennahdha et Tahya Tounes en tête) et leurs adversaires.
Béji Caïd Essebsi en est fort perturbé. Lui l'homme qui s'est toujours battu contre l'exclusion, a œuvré pour l'inclusion, y compris des islamistes, dans le jeu politique, ne saurait décider contre sa conscience. D'un autre côté, il fait face à une loi votée qu'il doit soit promulguer, soit renvoyer pour une deuxième lecture à l'ARP. Beaucoup le pressent de la soumettre au moins à un référendum public. Le soir, interrogé par Meriem Belcadhi sur la chaîne Al Hiwar, Hafedh Caïd Essebsi ne révèle pas la décision de son père mais lâche des indices: «Jamais pour l'exclusion». La mèche est allumée dans le camp des adeptes de la loi.
Samedi 20 juillet
Après une longue nuit de débat, Ennahdha se déclare «préoccupé» par la non-promulgation de la «loi d'exclusion», et appelle à de larges concertations au Bardo.
Dimanche 21 juillet
L'heure est grave selon le parti de Youssef Chahed : Constitution violée, transition démocratique et stabilité des institutions de l'Etat menacées et confusion à Carthage... Appel à de larges consultations au Bardo...
Partout des questions montent : où est passé Caïd Essebsi ? Est-il séquestré contre son gré ? Subit-il des pressions pour ne pas promulguer la loi.
A Carthage, seul le silence est grand. Plus pour longtemps
Lundi 22 juillet
Tôt le matin
Des « discussions informelles »se multiplient au Bardo. Un vieux projet concocté par Ennahdha, visant à conférer à l'Instance provisoire de la constitutionnalité des lois les attributions de la Cour constitutionnelle, en attendant que celle-ci soit constituée et entre en activité, est ressorti des tiroirs, dans une opération de ballon d'essai. «C'est un piège !», crient les anti-Ennahdha, y voyant l'ouverture d'une brèche vers la déclaration d'incapacité du Président Caïd Essebsi à exercer son mandat, s'il s'obstine à ne pas promulguer une loi adoptée ou la faire retourner à l'ARP.
Vers 10 heures
Chef Suprême des armées, le président de la République reçoit dans son bureau, à Dar Essalem, le ministre de la Défense nationale, Abdelkrim Zbidi. Au centre de l'entretien, la situation sécuritaire dans le pays, un dossier très sensible et compliqué. Ce jour-là, un avion de chasse militaire libyen armé s'est posé inopinément, non loin de Béni Khedache (Médenine), piloté par un officier dissident. Le Président reviendra sur la célébration du 63e anniversaire de l'armée tunisienne dont il devait présider la célébration le 23 juin dernier. La cérémonie avait été reportée d'une semaine, et finalement remise à une autre date non encore précisée. Caïd Essebsi y tenait beaucoup, chargeant son ministre de la Défense d'y procéder, conscient qu'il est des promotions et remise des signes qu'elle engendre, surtout pour les officiers supérieurs et généraux qui sont distingués à cette occasion par le chef de l'Etat.
Zbidi le rassure :c'est déjà fait pour de nombreux grades et lui rend compte également du démarrage de l'extension de l'Académie militaire de Fondouk Jedid. Le Président s'efforce de l'écouter attentivement, n'hésitant pas à lui poser des questions... sur tout.
Zbidi aura ainsi été l'unique personnalité officielle qui ait rencontré le Président Caïd Essebsi, depuis le 27 juin dernier...
La vidéo partagée par les services de la Présidence, très brève, n'est guère rassurante. Elle ne montre le Président qu'assis, alors qu'il a l'habitude de se lever toujours pour accueillir ses visiteurs, même de proches collaborateurs, et bien affaibli.
Mercredi 24 juillet, le matin
Le Président Caïd Essebsi est bien affaibli. A la veille de la célébration de la fête de la République, il avait perpétué la tradition de signer un décret de grâce en faveur de nombre de condamnés, que ce soit en remise de peine ou en liberté conditionnelle... Plus d'un millier de bénéficiaires à chaque grande fête religieuse ou de la République. Réunissant la Commission de grâce, l'avocat qu'il avait été tranche en connaisseur, après avoir confié à son cabinet d'éplucher chacun des dossiers.
Ce matin-là, il commençait à aller mal. Son directeur de cabinet, Nabil Ajroud, lui avait fait porter dans un parapheur le décret à signer. Il ne trouvera pas la force nécessaire...C'était un premier signe qui a alarmé ses proches collaborateurs...
Mercredi 24 juillet, en fin d'après-midi
L'état de santé du Président Caïd Essebsi se dégrade visiblement. L'immunité, à coups d'antibiotiques exceptionnels, résiste mal à un virus rebelle, indomptable. Dr Belkhodja n'hésite pas et décide de nouveau son transfert d'urgence à l'Hôpital militaire. En début de soirée, le pronostic médical est grave. Les voies de l'espoir se réduisent...
Un bref communiqué de la présidence de la République publié dans la soirée tire la sonnette d'alarme.
Mercredi 24 juillet
Toute la soirée
Alertés, les membres du cabinet présidentiel regagnent d'urgence le Palais où le directeur de cabinet, Nabil Ajroud, réunit les équipes. Que faut-il faire au cas où ? Aucun manuel de procédure n'ayant été préalablement préparé, il fallait l'inventer. Pour la première fois à Carthage. Jusqu'à trois heures du matin, les lumières étaient restées allumées à tous les étages de l'annexe du palais réservée au cabinet. Un concept adopté : grandeur, dignité et liesse populaire. Dans une parfaite synchronisation. Protocole, sécurité, communication et logistique se mettent en branle, l'expérience du sommet arabe tenu à Tunis le 31 mars dernier est encore vivace... Le logiciel n'attend qu'à être paramétré. Réussite rééditée.
Jeudi 25 juillet
Le matin
Aucune lueur d'espoir. La famille se prépare à apprendre la douloureuse nouvelle, éprouvante, brisante. Deux des petits-enfants du Président ainsi que leur maman, Rym, sont à Paris. Béji Jr recevra ce jour son bachelor à Sciences Po. Fériel, juriste, qui, après une licence de droit à Assas, Paris 2, a décroché un mastère à Paris 1 Sorbonne... là où son grand-père avait fait ses études et a reçu en 2016 un doctorat honoris causa. Elle devait ce jour-là passer un examen lui ouvrant la voie en tant qu'avocate au barreau de Paris. Deux moments que Béji Caïd Essebsi attendait avec fierté. Son unique frère encore vivant, Me Slaheddine, et très proche de lui, est lui aussi à l'étranger.Tous rappliquent par le premier avion.
Mise à jour : Dr Riadh Caïd Essebsi
Dr Riadh Caïd Essebsi, neveu du président (fils de feu Kamel), cardiologue et résident du conseil médical de l'American Hospital of Paris, arrive d'urgence de Paris, par le vol matinal d'Air France, atterrissant à 8h50. Moins d'une demie heure après, à 9h20 précises, il est à l'hôpital militaire de Tunis. «J'ai accompagné mon oncle jusqu'à son dernier souffle », nous confie-t-il le 2 août 2019.
«Rassurez-moi !», implore sur WhatsApp un fidèle du Président. En vain. Tous sont sur boîte vocale. Calmement, en ce jour de célébration de la République, le Président Caïd Essebsi s'éteint, à 10h25 du matin, entouré du Dr Belkhodja et de l'équipe médicale de l'Hôpital militaire.
Les formalités sont engagées
Constatation du décès par attestation médicale... Au même moment, la Présidence de la République annonce la fatidique nouvelle. En ce jour férié, le décès du président Caïd Essebsi vient tirer les Tunisiens de la torpeur estivale, les secouant fortement.
A Carthage, tout commence à se mettre en place, dans une course contre la montre. Les obsèques auront lieu le surlendemain, samedi 27 juillet...
Les autorités des pays frères et amis et des institutions internationales en sont informées par les Affaires étrangères. Un deuil national de sept jours est décrété, les drapeaux sont mis en berne, et tous les festivals culturels sont suspendus. La conférence annuelle des ambassadeurs de Tunisie à l'étranger qui devait commencer vendredi 26 juillet par la séquence consulaire avant d'être ouverte officiellement le lundi, est annulée. La voix brisée par l'émotion, le ministre Khemaies Jhinaoui, un fidèle disciple de Caïd Essebsi, rendra sur les ondes un vibrant hommage au chef de la diplomatie tunisienne. Partout sur les frontons des ambassades et consulats de Tunisie, les couleurs tunisiennes sont mises en berne et un registre de condoléances est ouvert.
Au Bardo, la machine constitutionnelle s'ébranle de son côté. Alerté tôt le matin de la dégradation de l'état de santé du Président, Mohamed Ennaceur regagne rapidement son bureau où il sera rejoint par le chef du gouvernement. Première déclaration audiovisuelle institutionnelle annonçant au peuple tunisien le décès de son Président, il aura à la faire, parvenant difficilement à contenir son émotion, derrière lui se tient Youssef Chahed. Une image qui a été voulue rassurante quant à la continuité de l'Etat.
L'après-midi
Sans la moindre anicroche, la transition s'enclenche en toute fluidité. En l'absence de la Cour constitutionnelle, c'est l'esprit de la Constitution qui l'emportera. Il faut dire que la personnalité du président de l'ARP, Mohamed Ennaceur, président de la République par intérim, en cas de vacance définitive des fonctions de président de la République, consensuel et respecté de tous, favorisera un automatisme plébiscité.
Taoufik Habaieb
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