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Dr Sadok Kallel: La famille Bawendi, tel père, tel fils
Publié dans Leaders le 14 - 01 - 2024

Les mathématiciens en Tunisie, et de nombreux dans le monde, connaissent fort bien Mohamed Salah Bawendi, l'un des plus brillants mathématiciens que la Tunisie ait enfantés, et de surcroit père de Moungi Bawendi, récipiendaire du Prix Nobel de chimie 2023.
La chimie (domaine de prédilection de Moungi) et les mathématiques (domaine d'excellence de son père) sont des thèmes qui se rejoignent. J'ai encore à l'esprit le merveilleux livre sur les «Représentations linéaires des groupes finis» de Jean-Pierre Serre, le plus jeune lauréat de la médaille Fields, qui rédigea son livre avec la motivation d'expliquer quelques fondements algébriques essentiels pour des chimistes, la chimie étant le domaine de spécialité de sa femme.
Je me focaliserai ici sur Bawendi père et sur le monde mathématique qui m'est familier. L'objectif est d'illustrer «les racines» de Moungi, et de décrire la richesse et la rigueur de l'environnement scientifique dans lequel il a baigné dès son jeune âge(1).
Feu Mohamed Salah Bawendi (1937-2011) a reçu, bien avant la consécration de son fils, en 2003 plus précisément, le prix Stefan Bergman de mathématiques, un des plus prestigieux prix de la Société mathématique américaine. Bien évidemment, ce prix n'était que le couronnement d'une longue carrière qui avait débuté bien plus tôt, au lycée Sadiki en Tunisie.
Bawendi père est né à Tunis. A un âge précoce, il quitte le lycée Sadiki pour Paris où il termine ses deux dernières années du lycée, rejoint l'université de Paris-Sud XI - Orsay et obtient son doctorat en 1967 sous la direction de Laurent Schwartz et Bernard Malgrange. Il occupe après sa thèse des postes universitaires à Paris, à Nice et Tunis, où il enseigne à la faculté des Sciences de 1966 à 1970. En décembre 1969, alors que Mohamed Salah était professeur à Tunis, l'Académie Française lui décerne le «Prix d'Aumale», une haute distinction. Très vite ensuite, en 1972, alors que Moungi n'avait que 11 ans, et dans les sillons d'une réputation mathématique de plus en plus grande, Mohamed Salah émigre aux Etats-Unis où il rejoint le département de mathématiques de l'Université Purdue, qu'il dirigera pendant plusieurs années. En 1988, il intègre l'Université de Californie à San Diego où il exercera jusqu'à la fin de sa vie.
Mohamed Salah Bawendi est connu pour ses recherches sur les équations aux dérivées partielles, la théorie des distributions et la géométrie CR (analyse complexe). Chercheur hors pair, il était également un mathématicien polyvalent reconnu pour les nombreux services rendus à la communauté mathématique. Il a été élu à l'Académie américaine des arts et des sciences, a été le représentant des Etats-Unis auprès de l'Union mathématique internationale. Il a cofondé deux revues mathématiques, «Communications in Partial Differential Equations» et «Mathematical Research Letters», qui continuent à être, des décennies plus tard, des journaux très influents.
En 2014, l'Institut méditerranéen des sciences mathématiques (Mims), que j'ai contribué à fonder à Tunis en 2012, et que je dirigeais dans le temps, a organisé la seule conférence internationale rendant hommage à la mémoire de Mohamed Salah Bawendi, trois ans après sa disparition. Le Mims a pris alors l'initiative de contacter sa femme, Linda Rothschild, également mathématicienne de renom, et corécipiendaire du prix Bergmann avec son mari, pour lui faire part de notre intention d'organiser cette conférence, l'invitant à y participer comme membre honorifique. Sa réponse fut rapide, nous informant qu'elle avait refusé toutes les invitations de ce genre, mais que sachant combien la Tunisie était importante pour Mohamed Salah, elle ne pouvait refuser un tel hommage dans son pays d'origine.
Parmi les nombreux invités de cette conférence, figurait feu Abbas Bahri, tristement disparu peu de temps après, Hajer Bahouri, autre fierté tunisienne, récipiendaire du prix Doistau-Blutet de l'Académie des sciences françaises en 2016, et Peter Ebenfelt, lauréat du prix Bergman en 2020. Mohamed Salah l'homme, le père et le frère a été présenté à notre auditoire par son ami le plus proche, et son collègue Si Mohamed Amara, et par son unique frère, Si Houcine Bawendi, établi en Tunisie et décédé en 2020.
Les actes de la conférence du Mims en l'honneur de Mohamed Salah Bawendi furent publiés avec l'éditeur de renom Springer dans un volume de 300 pages. L'introduction fut rédigée par Linda Rothschild (*) qui est revenue sur certaines difficultés que Mohamed Salah a connues au début de sa carrière et que nous citons comme suit : «En tant qu'étranger, Salah ne pouvait pas, durant ces années-là(2), être nommé professeur en France, il a donc accepté un poste de professeur titulaire au département de mathématiques de Purdue, une université américaine de premier plan dans le Midwest. Après que Salah a entamé sa carrière aux Etats-Unis, un nouveau changement dans la législation française a permis de nommer des non-ressortissants comme professeurs dans les universités françaises. Salah accepta alors une chaire à l'université de Paris VI (Jussieu) et revint en France en 1974. La même année, il est invité en tant que conférencier au Congrès international des mathématiciens à Vancouver. Cependant, malgré sa réputation d'éminent scientifique, Salah était souvent considéré à Paris, de par ses origines, un peu moindre qu'un citoyen français. En 1976, il repart avec sa famille aux Etats-Unis, où il était destiné à laisser sa marque sur l'université et sur la communauté mathématique américaine. Ses enfants, Moungi et Meriem, ont grandi dans le Midwest en tant qu'Américains. Moungi est désormais un célèbre scientifique, professeur de chimie au MIT et père d'une fille de 11 ans. Meriem vit en Californie avec son mari et ses deux enfants adolescents.»
L'influence de Mohamed Salah Bawendi sur son fils est indéniable, tant sur le plan scientifique que sur le plan humain. L'inspiration et le défi de suivre les pas du père étaient grands. Cette inspiration était transcendante et dépassait la famille proche. Feu Abbas Bahri écrivait à propos de Mohamed Salah Bawendi, dans un article paru sur La Presse de Tunisie en 2014 : « En avance sur son temps en Tunisie, il n'y a pas fondé une école. Mais il a été un exemple pour nous tous et un encouragement: le signe que nous pouvions renouer avec le meilleur niveau. Mohamed Salah était un maître de son art, un des ''grands'' ».
Obtenir un prix mathématique, ou un prix Nobel, n'est pas chose facile, et ce qui importe au départ est la «culture scientifique» qui balise le chemin vers la consécration. On ne réussit jamais vraiment « seul » et on n'arrive jamais de «rien». Il faut bien sûr être le premier à faire ''l'expérience concluante'' ou à expliquer le ''phénomène incompris'' (ce pourquoi en général le Nobel de physique ou de chimie est attribué). Cette intelligence et cette perspicacité sont essentielles. Mais le talent, même s'il est souvent inné, se travaille et s'aiguise dans un vivier qui est la famille, le système éducatif et le laboratoire. En dernier lieu, il ne faut surtout pas oublier le facteur chance qui, qu'on le veuille ou pas, fait partie de la réussite. Or «la chance», comme le dit si bien Louis Pasteur, «ne sourit qu'aux esprits bien préparés».
Pour conclure, j'aimerais revenir aux derniers mots de Linda Rothschild sur la vie de son mari, Mohamed Salah(*): «Il y a vingt ans, lorsque Salah participait à un ICM (le congrès international des mathématiques qui se tient tous les 4 ans) en tant que membre de la délégation américaine, il y retrouva son ancien mentor J-L. Lions, qui faisait partie de la délégation française. Lions a eu un regard chargé d'émotions, et en se tournant vers Mohamed Salah, il lui dit : «Vous devriez représenter la France, mais la France ne vous a pas apprécié quand elle en a eu l'occasion». Et Linda de conclure : «La Tunisie devrait être fière de son fils natal.»
En effet, la Tunisie en est fière, comme elle est fière de tous ses enfants qui font briller son étoile dans le firmament de la science et des connaissances.
Félicitations à Moungi Bawendi, le fils prodige, son père Si Mohamed Salah ne pouvait mieux espérer.
Sadok Kallel
Professeur de mathématiques à l'Université américaine de Sharjah (Emirats).
Chercheur au laboratoire Painlevé à l'Université de Lille (France).
Ancien de l'Université de Stanford (Etats-Unis).
(1) La mère de Moungi est Hélène Bawendi, Française d'origine.
(2) Début des années soixante-dix.
(*) Linda P. Rothschild, "Salah Bawendi 1937–2011: A Mathematical Life on Three Continents", dans "Analysis and Geometry, MIMS-GGTM, Tunis, Tunisia, March 2014. In Honour of Mohammed Salah Bawendi ", Springer Proceedings in Mathematics & Statistics, vol 127. Baklouti, A., El Kacimi, A., Kallel, S., Mir, N. (editors). https://doi.org/10.1007/978-3-319-17443-3_1
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