Le Programme National du Développement Artisanal s'articulera autour de trois leviers à savoir la mise à niveau des ressources humaines et des opérateurs, l'amélioration de la qualité des produits et l'approche des marchés et la mise en œuvre d'un programme de modernisation nationale intégrant les dimensions économiques, sociales, culturelles et régionales Le tapis tunisien constitue une richesse culturelle et artistique des plus séculaires qui traduit la diversité identitaire du pays. S'il s'est enrichi avec les influences de produits orientaux, notamment perses et turcs, il n'en demeure pas moins qu'il s'est forgé une identité particulière qui illustre les cultures, les vécus et les arts propres à chacune des régions du pays. En effet partout où l'on va , l'artisanat du tapis est présent dans toutes les boutiques, demeures et hôtels, faisant vivre plusieurs d'hommes et femmes. Confrontés à la crise économique, plusieurs petits métiers de l'artisanat comme celui tapis risquent de disparaître. Grand pourvoyeur de devises, le secteur du tapis joue un rôle prépondérant du point de vue économique et social. Toutefois, c'est un secteur qui reste, malgré les efforts consentis, marginalisé et tributaire des autres moteurs de l'économie. Parce qu'il est lié aujourd'hui au secteur du tourisme, il souffre lui aussi de la crise. De plus, les achats des touristes sont encore orientés par les intermédiaires, les faux-guides et les chauffeurs de taxi. Un phénomène et une situation conjoncturelle difficile qui ont conduit à l'arrêt d'activité de nombreux bazaristes. Le secteur du tapis a un potentiel humain qui n'arrive pas à exprimer tout son talent ni à bénéficier correctement de ses produits. Le secteur stagne et ne parvient pas à décoller en raison des difficultés de commercialisation. Fatma, artisane produisait 1000 m2 de tapis par mois. Aujourd'hui elle se contente de 150 m2. Elle doit attendre un mois pour enfin recevoir la somme de 150 dinars. Elle préfère travailler dans une usine « C'est plus rentable et moins fatiguant » dit –elle. Le manque d'innovation représente un autre handicap majeur pour l'artisanat du tapis qui ne confère pas aux produits des touches artistiques innovantes lui permettant d'être concurrentiel tant sur le plan national qu'international. Il est resté confiné dans des structures familiales avec des marges bénéficiaires insuffisantes, alors qu'il aurait fallu opérer dans des ateliers et créer des entreprises. Baisse de la demande Les fabricants qui produisaient 200 000 m2 avant 2010, n'en produisaient en 2016 que 36 000 m2 . Plusieurs explications sont avancées pour expliquer cette chute. Selon certains, les problèmes d'inconstance dans la qualité du tissage de l'artisanat tunisien ont conduit à la perte de son attractivité. Pour d'autres, les raisons sont plus complexes et ont trait notamment à une suroffre du tapis sur les marchés internationaux, qui a abouti à une chute des prix. Taoufik Médiouni directeur du Centre technique du tapis et du tissage souligne : « la production de tapis a beaucoup diminué. Le secteur est en crise. Il souffre en effet de son manque d'organisation et de restructuration. Plusieurs anomalies ont causé sa chute notamment l'inexistence d'une formation adéquate et de création. » Les commerçants notent que depuis la révolution, les ventes ont baissé. Plusieurs d'entre eux ont été contraints de changer d'activité afin de trouver une autre source de revenu pour subvenir à leurs besoins. Il est incontestablement vrai que l'artisanat et le tourisme sont intimement liés. Il existe une influence réciproque entre eux jusqu'à dire que chaque partie est dépendante de l'autre . D'une part, l'artisanat revitalise et accroît l'attractivité touristique, d' autre part le tourisme est une réelle opportunité pour les artisans permettant d'accueillir un potentiel d'acheteurs. Or actuellement, l'activité touristique est en berne. Le tapis est plombé par la crise du tourisme. A la Médina de Tunis, Hatem a relevé que sa principale activité se limite aux transactions avec les touristes des croisières. Pas plus loin à Hammamet, les boutiques sont désertes. Peu de touristes fréquentent les souks du tapis. La situation sociale des vendeurs et des fabricants de tapis est devenue précaire. Déjà que le produit artisanal local n'a pas toute sa place sur les étalages du marché, voilà que celui-ci est de surcroît inondé en produits asiatiques divers. Salah Amamou, président de la Fédération Nationale de l'Artisanat estime que « ce phénomène a envahi nos marchés, nos magasins et les différentes zones touristiques. Le vrai tapis traditionnel a de plus en plus du mal à trouver sa place dans le marché tunisien à cause de la concurrence imposée par le faux tapis ou plutôt le tapis synthétique. En ce sens, un tapis fabriqué à la machine coûte souvent trois fois moins qu'un vrai tapis tradition » Bref, le secteur du tapis est appelé à se restructurer. C'est dans ce cadre que s'inscrit le Programme National du Développement Artisanal qui devra être approuvé par un conseil ministériel et constitue une étape stratégique pour booster cette activité pourvoyeuse d'emplois. Ce programme s'articule autour de trois leviers à savoir la mise à niveau des ressources humaines et des opérateurs, l'amélioration de la qualité des produits et l'approche des marchés et la mise en œuvre d'un programme de modernisation nationale intégrant les dimensions économiques, sociales, culturelles et régionales. L'orientation actuelle en Tunisie est de renforcer la contribution du secteur de l'artisanat dans le développement régional notamment dans les régions intérieures du pays, à travers un plan d'action qui essayera de booster l'insertion des jeunes en chômage au sein du marché d'emploi direct. Pour se faire, ce plan d'action partira, dans toutes ces composantes, de l'état des lieux de chaque région du pays et des attentes de ses artisans tout en faisant recours aux capacités exportatrices des spécialités artisanales prometteuses. La stratégie du ministère vient d'être lancée lors du colloque national sur la relance du secteur du tapis et a porté sur quatre axes importants: la formation et la compétence professionnelle, la qualité des matières premières, la création et l'innovation, la promotion et la commercialisation