Cinq mois après son entrée en vigueur, le 1er juillet 2007, au milieu d'une effervescence générale, due apparemment à l'insuffisance d'informations ciblées, le nouveau régime national de l'assurance - maladie a fait l'objet, hier, d'une rencontre de sensibilisation organisée par le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise, CJD, , à Tunis, à l'intention de ses membres, autour du thème ''l'assurance-maladie et son impact sur l'entreprise et le salarié.'' Justement, la directrice du CJD, Mme Mongia Géguirim a expliqué le choix de ce thème pour cette rencontre mensuelle du Centre, par le souci de fournir aux jeunes entrepreneurs toutes les données et les informations nécessaires adéquates sur cette question qui continue d'interpeller l'opinion tunisienne dans son ensemble, notamment après la mise en place de la Caisse nationale de l'assurance-maladie pour gérer et administrer le nouveau régime national de l'assurance-maladie.
Risque de transfert de problèmes
Le débat très fructueux et au niveau de la qualité de la participation a été introduit par une communication tout aussi instructive sur cette réforme du régime de l'assurance- maladie en Tunisie, faite par un responsable et un expert ayant contribué à son élaboration, Mr Lassâad Zarrouk, directeur des affaires sociales au ministère des affaires sociales, de la solidarité et des Tunisiens à l'étranger. Comme beaucoup de participants l'ont confié, l'intérêt porté à l'impact réel de cette réforme émanait autant de leur statut de chefs d'entreprise que de celui de simples citoyens et assurés sociaux, consommateurs de soins et d'actes médicaux, comme tous les autres tunisiens. Or, ils se sont montré compréhensifs, voire franchement réceptifs à l'égard de la faible charge financière supplémentaire occasionnée par ce nouveau régime aux employeurs, car tout le monde a convenu qu'un salarié en bonne santé et bien portant est très productif et n'a pas de prix pour l'entreprise, outre l'avantage que la bonne santé procure, de façon intrinsèque, à l'individu bien portant. Cependant, la contribution du nouveau régime de l'assurance-maladie à l'amélioration des soins et des actes médicaux au profit des assurés sociaux, défendue avec force par le conférencier, a suscité des interrogations. En effet, ce nouveau régime unique de l'assurance - maladie a été institué à la place des nombreux régimes anciens en vue de renforcer le taux d'accessibilité aux soins et actes médicaux au profit de tous les assurés sociaux chez tous les fournisseurs et prestataires de soins et actes médicaux publics et privés, en mettant en place, notamment, le système de médecins de famille ou médecins référents, parmi les médecins de libre pratique, conventionnés avec la CNAM et autres mécanismes allant dans ce sens. Toutefois, au-delà du souci d'équité qui l'anime, le nouveau régime pourrait, à long terme, défavoriser les structures publiques de santé et transférer l'encombrement dont elles souffrent, actuellement, au niveau des consultations et des prestations, vers les cabinets privés, dans la mesure où le conventionnement, quoique volontaire, est appelé à se généraliser par la force des choses, comme dans les pays développés de l'Occident. Toutes les consultations passeraient alors par les médecins de famille privés. Les patients risqueraient, ainsi, d'avoir, à l'avenir, à attendre des mois pour avoir un rendez-vous avec leur médecin de famille conventionné, comme il est arrivé à un participant en Grande-Bretagne, lorsqu'il y faisait, alors, ses études. A cet égard, Mr Zarrouk a souligné que le régime tunisien se caractérise par la liberté du choix pour le patient et le médecin, car contrairement à la plupart des pays occidentaux, les médecins de famille en Tunisie, dans le nouveau régime, ne sont pas choisis et imposés par la CNAM , mais par le patient lui-même pour une durée d'une année , au bout de laquelle le patient peut reconduire le contrat ou le dénoncer. Au même moment, un ambitieux programme de mise à niveau des structures publiques de santé est inscrit dans le cadre du 11ème plan de développement économique et social pour la période 2007 // 2011 et il doit, à terme, consolider la performance du secteur public dans le domaine de la santé et en faire une véritable locomotive du système national de santé, car, a dit le conférencier, le sort du secteur public en la matière conditionne celui du secteur privé, étant, entre autres, son principal pourvoyeur en cadres et médecins. Par ailleurs, le secteur public continue d'être, en Tunisie, le principal prestataire de soins et d'actes médicaux, à l'intérieur du pays, soit près de 50% des demandeurs de soins. Aussi, la réussite de la réforme de l'assurance -maladie est tributaire du succès de ce programme de mise à niveau des structures publiques de santé. En effet, cette réforme est étalée, dans le temps. L'année prochaine, de nouvelles maladies de l'espèce de celles dites ordinaires seront prises en charge par la CNAM, en plus des 25 maladies prises en charge intégralement, actuellement, outre quelque 19 actes chirurgicaux et le suivi de la grossesse et de l'accouchement.
Renforcer l'information sanitaire et médicale
Mais l'un des apports attendus de cette réforme est la consolidation de l'information médicale et sanitaire propre à améliorer la prévention. Le médecin de famille ou médecin référent est appelé à être un conseiller médical de la famille qu'il traite et à ce titre, le conférencier a émis l'espoir que cette évolution dans la relation entre les médecins et leurs patients permettra de comprimer les dépenses, en matière de santé qui augmentent de 10% chaque année, en encourageant, entre autres, l'usage des médicaments génériques. Sans occulter, donc, les problèmes qui attendent la Tunisie dans ce domaine, à l'image de ceux que les pays développés eux-mêmes continuent d'affronter, en matière d'assurance maladie, après des expériences de plus d'un demi siècle, Mr Zarrouk a paru optimiste concernant l'avenir de cette réforme de l'assurance - maladie en Tunisie, signalant que déjà quelque 2500 médecins généralistes et spécialistes ont conclu des conventions avec la CNAM.