La très attendue Cour constitutionnelle vient enfin d'être abordée à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) où les députés ont échoué, dans un premier tour, à élire ses membres pour réussir, dans un deuxième tour, à daigner accorder 150 voix à une seule candidate appartenant à Nidaa Tounes, la juge Raoudha Ouersghini. Avec huit candidats en course pour les quatre prestigieux sièges de la Cour constitutionnelle, les présidents des blocs parlementaires se sont mis d'accord sur les quatre membres à élire – Sana Ben Achour pour la catégorie des professeurs universitaires, Ayachi Hammami, représentant du barreau, Raoudha Ouersghini pour les magistrats et Abdellatif Bouazizi, non spécialiste en droit –, un accord qui a échoué et qui attendra un nouveau tour pour être appliqué. Cette première élection a suscité plusieurs réactions dans les rangs des professeurs en droit constitutionnel et auprès des magistrats qui ont assuré que le nouveau membre de la Cour constitutionnelle, Raoudha Ouersghini, aurait été derrière un verdict, datant de quelques mois, ayant fait annuler un contrat de mariage entre une Tunisienne musulmane avec un étranger non musulman. Ce précédent a permis à certains de conclure que la juge en question aurait une idéologie rétrograde et une grande campagne a envahi les réseaux sociaux pour dénoncer ce vote. Alors que tout le monde a les yeux rivés sur le gouvernement d'union nationale présidé par Youssef Chahed dont le sort demeure toujours incertain, les membres du Parlement mènent activement leurs manœuvres pour faire enfin élire la Cour constitutionnelle, l'un des fondements majeurs de la deuxième République tunisienne. Une Cour qui aura pour mission, entre autres, de trancher sur la constitutionnalité des projets de lois (constitutionnels ou pas), des verdicts contestés ou encore d'étudier des traités soumis par le président de la République. Vous l'avez bien compris, cette Cour et sa formation seront, d'ici quelques mois, d'une importance politique majeure ; la Cour constitutionnelle sera en effet amenée à étudier et à trancher sur des questions cruciales de la Tunisie touchant essentiellement la nature de son Etat, aux libertés de ses citoyens et à l'avenir de sa société. Cet enjeu politico-social, sur fond identitaire idéologique, nous ramènera, d'une façon ou d'une autre, à repenser cette alliance Ennahdha/Nidaa Tounes qui nous gouverne depuis trois longues années ; ces deux mouvements ont réussi, tant bien que mal, à dépasser leurs divergences pour faire avancer leur consensus, qui pourrait craquer sous le poids de la Cour constitutionnelle, car ni Rached Ghannouchi ni Béji Caïd Essebsi ne pourront céder sur des questions qui leur sont aussi chères. Ceux mêmes qui ont tout fait pour nous expliquer que l'idéologie n'a plus sa place dans un pays qui souffre de tous les maux – entre le président de la République qui affirme qu'Ennahdha a fait des progrès au niveau de sa pensée et le chef du mouvement islamiste qui affirme avoir définitivement séparé le volet politique du volet religieux – seront aujourd'hui amenés à faire des concessions dont ils sont totalement incapables. Salma BOURAOUI La Cour constitutionnelle est une instance juridictionnelle indépendante composée de douze membres choisis parmi les personnes compétentes, ayant une expérience de vingt années au moins et dont les deux tiers sont spécialisés en droit. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil supérieur de la magistrature proposent chacun 4 candidats dont les trois quarts doivent être spécialisés en droit, et ce, pour un mandat unique d'une durée de 9 années. L'Assemblée du peuple élit douze membres de la moitié des candidats proposés par chaque organe, à la majorité des trois cinquièmes, pour un seul mandat de neuf ans. Dans le cas où la majorité requise n'est pas obtenue, il est procédé à un nouveau vote parmi les candidats restants à la même majorité. Si elle n'est pas atteinte, d'autres candidats sont proposés et il est procédé à une nouvelle élection selon le même mode... Extrait de l'article 118 de la Constitution