C'est une scène qui s'est déroulée mardi et qui ne peut que laisser béat. Cet après midi là, un jeune homme a été interpellé et emmené au poste, tel un voyou, pour avoir... bu une boisson gazeuse en pleine rue. Une jeune dame a rapporté les faits qui se sont déroulés du côté d'Ennasr, tout en affirmant avoir eu peur de réagir ou de plaider la cause du jeune qui semblait être mort de frayeur par la situation. Au fait, quel crime a-t-il commis? Au pays de la démocratie naissante et des libertés, la liberté de jeûner ou pas ne figure pas au répertoire. Nous le savions déjà mais grâce au ministre de l'Intérieur nous en avons eu la confirmation puisqu'il a clairement affirmé que la minorité de non jeûneurs devait respecter les sentiments des jeûneurs en ce mois saint. Et vlan ! Comme attendu, sa déclaration a suscité un ras de marée de réactions entre ceux qui soutiennent ses propos et ceux qui s'en voient offusqués. Entre temps, des citoyens, principalement des jeunes, sont traqués pour avoir mangé ou bu durant la journée, comme en attestent plusieurs témoignages tel celui de Manel qui affirme avoir vu deux policiers en tenue de civil descendre de voiture, gifler deux lycéens, les traiter de « non jeûneurs » (fattara) parce qu'ils étaient en train de manger dans un coin de la rue et les embarquer aussitôt. Des exactions qui n'ont pas lieu d'être et une attitude qui déroge avec les préceptes de tolérance prônés par l'islam qu'ils veulent imposer par la force. Certes, il ne s'agit là que de quelques policiers et non pas tous. Certes, certains cafés ont bravé l'interdiction et ouvert leurs portes tout en masquant leur devanture par un film adhésif. Certes, la polémique du jeûne est récurrente et revient tous les ans. Mais comment expliquer justement le fait que malgré une Constitution garantissant la liberté individuelle de chacun et prônant la liberté de culte, on en revienne toujours et inlassablement à ce débat surtout ? La traque des non jeûneurs et l'interdiction de l'ouverture des cafés et des restaurants s'appuie principalement sur la circulaire de Mzali, émise en 1981 et récupérée par Ben Ali pour mettre la pression sur les commerçants. Là encore, comment expliquer qu'une circulaire prime sur la Constitution ? Fidèle à son poste, la société civile organisera, dimanche après midi, une marche pacifique pour demander l'application des lois garantissant les libertés de chacun et ne plus interférer dans le choix personnel des citoyens concernant le jeûne. Intitulée « Mouch bessif », cette marche, organisée à l'initiative de plusieurs forces citoyennes, prendra son départ d'en face le ministère du Tourisme à Tunis. Saura-t-elle rassembler grand monde ou bien ce sujet a-t-il été tellement consommé et rabâché qu'il n'intéresse plus personne ou presque, outre les militants de toujours ? Seul l'avenir nous le dira. En attendant, les forces de l'ordre « religieux » continuent de sévir.