La Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE) qui a rendu son rapport la semaine dernière au président de la République, a tenu, hier, une conférence de presse réunissant les médias nationaux et internationaux afin de mettre au clair les différents points se rapportant à son travail effectué durant ces derniers mois. Les membres de la COLIBE, créée en août 2017 sur ordre du président Béji Caïd Essebsi, ont focalisé leurs efforts sur deux axes majeurs, à savoir les libertés et l'égalité entre citoyens et ont recensé toutes les lois qui y portent atteinte. La présidente de la commission, Bochra Belhaj Hamida, également députée, a affirmé au début d'une adresse, que le rapport remis tout récemment au président de la République et aussitôt rendu public, appartenait à tous les Tunisiens et concernait toutes les franges de la société. « Maintenant qu'il a été finalisé, ce rapport est la propriété de tous les citoyens. Nous aspirons aujourd'hui à un débat dans la sérénité et pas dans l'hostilité. Nous sommes ouverts à tous les avis du moment que ceux qui les émettent soient respectueux du point de vue des autres et du droit à la différence. » a-t-elle ajouté. Revenant sur la pluralité des propositions émises sur chaque point du rapport, Slim Laghmani, membre de la commission, a expliqué que cela ne dénotait pas une divergence entre les membres mais plutôt l'envie de présenter une alternative toute prête et bien étudiée au cas où la proposition principale serait rejetée. Bochra Belhaj Hamida a ajouté à ce propos : « Nous avons encore en mémoire les deux projets de loi, l'un concernant les stupéfiants et l'autre concernant l'égalité des héritages, qui n'ont pas bénéficié de l'aval des différentes parties et qui, de ce fait, sont tombés à l'eau. Nous avons émis une proposition principale et des propositions annexes pour qu'il y ait une alternative au cas où il n'y aurait pas un consensus général autour de la question. » S'agissant de la peine de mort, par exemple, la commission a émis comme proposition principale l'abolition de cette peine car elle représenterait, d'après les témoignages de détenus condamnés à la peine capitale, une torture quotidienne et une souffrance psychologique, la peine pouvant être exécutée à tout moment même si la Tunisie a suspendu toutes les exécutions depuis des décennies. La proposition alternative de la commission serait de garder la peine de mort et de la réserver à quelques rares exceptions qui seront mentionnées noir sur blanc tout en donnant un cadre légal au moratoire qui suspend depuis des années toutes les exécutions. Parmi les sujets abordés par le rapport de la COLIBE et ayant fait couler le plus d'encre, l'égalité dans l'héritage, fortement encouragée par les réformistes et fortement dénoncée par les conformistes. Le premier camp estime que les choses ont beaucoup changé au fil des siècles et que les femmes endossent autant de responsabilités financières que les hommes et qu'enfin, une telle mesure rétablirait l'équité sociale et économique entre les citoyens. L'autre camp estime par contre que le texte coranique est clair et catégorique à ce sujet et que toute tentative de changer les choses serait une impardonnable hérésie et représenterait une menace pour l'islam. Pourtant, la solution que propose la COLIBE serait un bon compromis pour tous. En effet, elle propose que l'égalité dans l'héritage soit adoptée entre les époux, les frères et sœurs, les parents et les descendants. Par contre, il est possible que le légataire se prononce, de son vivant, contre l'égalité et signe un papier dans ce sens devant un huissier. Il est possible aussi que l'héritière refuse l'égalité et renonce à son droit en faveur des hommes de sa famille. Une solution qui pourrait convenir à beaucoup de citoyens car elle ne toucherait pas aux fondamentaux de la religion et laisserait libre choix au légataire. Une solution qui pourrait faire l'unanimité, n'eut été l'entêtement de certains et leur désir d'imposer leurs choix et leurs visions, coûte que coûte, même s'ils devaient faire preuve de violence pour y parvenir ou encore tenir des propos haineux et non avérés. L'égalité dans l'héritage passera-elle ainsi que les autres nombreux points soulevés dans le rapport de la COLIBE et qui rétablirait une réelle égalité entre les citoyens ? Seul l'avenir le dira. Maintenant, la balle est dans le camp qui président Essebsi qui devrait prochainement se prononcer à ce propos. Puis, ce sera au tour des députés de trancher. Espérons seulement que cette quête de l'équité ne se transforme pas en appât politique et soit récupérée par les partis en vue de grappiller des voix lors des prochaines échéances électorales de 2019.