La crise sanitaire du Covid-19 ravage les finances publiques et menace la pérennité des entreprises tunisiennes. Tout le monde parle d'un avant et un après Covid. Aujourd'hui il y a vraiment péril en la demeure et les opérateurs économiques exhortent le gouvernement à faire preuve de célérité, d'efficience et d'efficacité dans la gestion de cette crise. Les textes de lois ne doivent pas rester lettres mortes. A ce titre, plusieurs experts et responsables déplorent le laxisme du gouvernement dans la publication des textes et dans leur application. A cet effet, un webinaire a été organisé avant-hier autour du thème : « Le post Covid-19 pour l'économie et la société tunisienne ». Entamant le webinaire, Samir Majoul, président de l'UTICA précise que la crise est multidimensionnelle : sanitaire, financière et surtout sociale. Et d'ajouter : « Il faut serrer les coudes. Les mesures annoncées sont insuffisantes. Le gouvernement a sous-évalué l'ampleur des dégâts. Mis à part le manque de la liquidité chez les entreprises, plusieurs d'entre elles ont perdu certains marchés export ». Côté bancaire, M.Majoul a salué la volonté des banques quant au sauvetage des entreprises mais, selon lui, les mesures tardent à venir. Il a expliqué ce retard par l'attente des banquiers d'une garantie de l'Etat. Ils ont raison, a-t-il ajouté. « Seulement l'urgence dans l'application pourrait sauver les entreprises, sinon on pourrait risquer pas mal de faillites. Il faut cibler les mesures », a-t-il indiqué. D'autre part, Taieb Bayahi, président de l'IACE a souligné que les choses ont changé. Il a insisté sur la nécessité de céder la place à l'innovation. Et d'ajouter: « La mondialisation a montré ses limites. Aujourd'hui, il faut revoir la définition du progrès économique. Si nous ne prenons pas les meilleures pratiques de la bonne gouvernance, la conséquence sera pire et va creuser encore plus les écarts entre les gens ». M.Bayahi a constaté une énorme intervention de l'Etat partout dans le monde que ce soit dans les régimes démocratiques ou non. A crise exceptionnelle, des mesures exceptionnelles. Et d'expliquer : « l'Etat doit faire des choix absolument courageux. Le gouvernement a entre les mains la capacité de mettre en place les décrets lois ». Le Président de l'IACE a déclaré que les Etats sont orientés vers le rachat des titres de leurs dettes publiques : « l'Etat ne peut pas emprunter auprès de la BCT. A mon avis, il vaut mieux avoir une inflation de 10 ou 12% et sauver en contrepartie 90% de notre économie. Tout simplement, l'Etat doit avoir tout le courage de faire sauter tous les verrous et de mettre énormément d'argent dans les circuits ». Quant à Moez Ghali, président de la CJD, il a fait savoir que le modèle économique doit être changé fatalement et de nouvelles opportunités vont apparaître. Il a mis en valeur la position géographique de la Tunisie qui va encourager à saisir plusieurs opportunités. « Je considère que la question d'aujourd'hui n'est pas une question de performance mais une question de résilience », a-t-il relevé. Plus que 800 mesures fiscales ont été adoptées en 10 ans Pour Walid Ben Salah, expert comptable, il confirme que la quasi-totalité des entreprises demande de l'aide sous différents formes. Et de préciser : « L'Etat lui-même a besoin d'assistance. La crise des finances publiques ne date pas d'aujourd'hui. L'absence de vision stratégique accompagnée par une mauvaise gouvernance ajoutée à un gaspillage au niveau des dépenses, ne font qu'aggraver la situation des finances publiques. Pour l'état des lieux actuel, on n'a pas su mettre un mode convenable pour la gestion de la crise. On constate également le manque de la transparence. On n'a jamais analysé l'impact des mesures fiscales qui ont été adoptées. Plus que 800 mesures fiscales ont été adoptées en 10 ans ». Le déficit budgétaire pour l'année 2020 va doubler L'expert comptable a insisté que le budget d'Etat a vraiment besoin de ressources. L'Etat n'a même pas les moyens pour pouvoir boucler le budget de 2020. Il a souligné que les dons et les emprunts que nous avons reçu jusqu'à maintenant avoisinent les 6 milliards de dinars par rapport à un besoin sans effet de crise de 11 milliards : « On est loin de la réalité des choses. Cette situation s'accentue puisque la Tunisie n'a plus l'opportunité de sortir sur le marché international. Je pense que le déficit budgétaire pour l'année 2020 va doubler. A l'état actuel des choses, l'Etat n'a pas les moyens pour financer les entreprises et servir les aides. Je pense que c'est pour cette raison qu'on a eu beaucoup de retard pour la mise en place des mesures ». Par ailleurs, M. Ben Salah a déclaré que l'impact de la crise va se sentir sur les finances publiques en 2021. Le budget de 2021 sera un exercice difficile, a-t-il réclamé.