L'ambassadeur de Tunisie à l'UNESCO, Ghazi Ghéraïri, a annoncé jeudi dernier que la vente des 114 pièces du patrimoine beylical prévu pour le 11 juin à Paris a été stoppée suite aux efforts de différentes parties intervenantes dans cette affaire. C'est tant mieux, mais l'incident a permis quand même de rappeler à tous la situation alarmante du patrimoine tunisien éparpillé aux quatre vents ! D'après le journal français Le Monde, la maison parisienne Coutau-Bégarie, qui organisait la vente d'un héritage (partiel) de Habib Jallouli (1879-1957) ancien ministre de la justice beylical, a préféré retirer les pièces controversées, en accord avec le propriétaire (un petit fils du défunt) afin d'entamer les discussions avec les autorités tunisiennes. Cette fin heureuse ne doit pas cacher le fait que plusieurs trésors du patrimoine tunisien ont été sortis et vendus dans l'absence ou les faiblesses de notre législation et de nos moyens financiers. D'ailleurs la ministre de la culture a annoncé, dans la foulée de cette affaire, que son département entamera un inventaire général des biens culturels afin de stopper la dilapidation du patrimoine national. Les professionnels réclamaient, depuis des années, cet inventaire, conscients qu'ils étaient de son urgence. Notre pays regorge de sites archéologiques, souvent non-gardés, des nombreux trésors du patrimoine sont encore dans les coffres privés des familles qui espèrent en tirer un bon prix, nos musées sont inaptes, faute de moyens, de compétences et d'outils juridiques, à assumer leur rôle de « gardiens du temple ». La législation de conservation du patrimoine trop vieillotte et pas assez sévère et le manque de moyens humains et financiers handicapent nos institutions qui doivent être renouvelées, modernisées et armées par une législation moderne qui leur permet de veiller efficacement à l'inventaire, et à la conservation des pièces de notre patrimoine qui s'étend sur plusieurs milliers d'années et qui couvrent plusieurs civilisations parmi les plus importantes de l'humanité. Notre patrimoine, en plus de son rôle culturel et éducatif, peut-être d'un grand apport économique pour le pays. Ainsi, à travers les emplois qu'il génère, à travers les richesses qu'il peut amener à l'activité touristique et grâce aussi à son « soft power » non négligeable sur l'image du pays, le patrimoine n'est pas une simple affaire de culture. Par manque de moyens, ou par négligence absurde, les régimes politiques de Bourguiba et Ben Ali n'ont jamais octroyé à ce secteur l'importance et les moyens qu'il mérite. De la civilisation capsienne de nos lointains ancêtres, à la civilisation punique carthaginoise, aux civilisations romaine et islamique, nos aïeux nous ont légué beaucoup. Nous leur devons aujourd'hui de trouver les moyens nécessaires afin de faire renaitre leurs traces et de magnifier leur riche legs.