La petite période passée par le chef du gouvernement, Hichem Méchichi, au ministère de l'Intérieur, pour assurer l'intérim, est pleine d'enseignements, surtout qu'elle prouve qu'il a opté pour la situation sécuritaire, bastonnades et interventions musclées à l'appui, ce qui risque de faire envenimer la situation. Les condamnations rapides des manifestants –ou des casseurs, si l'on veut- ont été très rapides, mais cela ne risque pas de calmer les esprits, loin de là, surtout que tout le monde sait, maintenant, à quoi s'en tenir. Des centaines de jeunes et d'activistes de la société civile se sont rassemblés, mardi après midi, à l'Avenue Habib Bourguiba, au Bardo, en face du Parlement, appelant à faire tomber «le régime» en place et réclamant «Travail, Développement, Liberté et Dignité». Les manifestants ont tenté de rejoindre le siège du Parlement, mais ont été empêchés par les forces de sécurité, déployées en grand nombre aux alentours du Palais du Bardo. L'accès aux différentes avenues et rues menant au Bardo a été bloqué par les forces de sécurité. Des dizaines de citoyens et de véhicules n'ont pas pu rallier les lieux du rassemblement des manifestants. Des slogans réclamant «la chute du régime» et contestant «le pouvoir du mouvement Ennahdha» et de l'Assemblée des représentant du peuple ont été scandés par les manifestants qui ont revendiqué le droit à la liberté d'expression et crié leur colère contre les forces de l'ordre. Les mouvements de protestation, au Bardo, se tenaient à proximité du parlement alors que la plénière consacrée au vote de confiance aux nouveaux membres du gouvernement se déroulait, en même temps, à l'hémicycle. Quelque 26 organisations et associations de la société civile ainsi que des partis politiques ont appelé, dans des déclarations, à manifester, ce mardi, devant le parlement. Ces appels ont émané entre autres du Courant démocrate, du Parti des Travailleurs, du Parti des patriotes démocrates unifié et du mouvement «Echaab». A l'assemblé, plusieurs députés de l'opposition ont critiqué les répressions policières visant des protestations que connait le pays et qui viennent traduire l'échec des politiques des gouvernements successifs. Ils ont insisté sur la nécessité d'écouter les réclamations des protestataires, appelant le chef du gouvernement à l'importance de dialoguer avec les jeunes afin de réduire les tensions sociales. Le député Mongi Rahoui (hors groupe) a appelé le ministre de l'intérieur par intérim (le chef du gouvernement) a retirer les forces de sécurité qui encerclent le parlement et empêchent les jeunes de manifester pacifiquement. La séance de vote de confiance se tient dans un parlement assiégé, à l'image des grandes dictatures, a-t-il regretté. De son côté, la députée Samia Abbou (Courant démocrate) a dénoncé le traitement sécuritaire des manifestants, en particulier dans les quartiers populaires où ils ont été empêchés de s'exprimer pacifiquement. Le député Lotfi Ayadi (Echaâb) estime que les protestations ne sont pas sans avoir de répercussions sur le parlement et l'avenir de l'action parlementaire. Il a appelé le gouvernement à assumer pleinement ses responsabilités et à envoyer des messages rassurants aux Tunisiens. Hatem Boubakri (Echaâb) a critiqué le fait d'interdire à une catégorie de Tunisiens de se déplacer pour protester et de renforcement du dispositif sécuritaire aux alentours du parlement. Il s'agit, selon lui, d'une atteinte aux droits des protestataires qu'il impute au ministre de l'Intérieur par intérim. Les députés d'Ennahdha et Qalb Tounès estiment, au contraire, que le mouvement organisé devant le parlement n'est autre qu'une tentative d'entraver les travaux de la plénière. Imed Khémiri (Ennahdha) a parlé, même, d'une «minorité» qui cherche à paralyser les travaux du parlement, dénonçant des agissements graves pour la démocratie et la cohabitation.