L'aventure tunisienne au Ghana prend fin. Fin des tribulations. La fin d'un rêve auquel personne (soyons honnêtes) ne croyait vraiment. Après notre premier match dans cette CAN (2-2, contre le Sénégal) il s'agissait de savoir si le verre était déjà à moitié vide ou s'il était encore à moitié plein. Avec cette élimination le verre est encore à moitié vide, dans le sens où M. Roger Lemerre a pratiquement atteint son seuil d'incompétence et que, cyniquement, ses employeurs l'ont laissé se planter. Le verre est encore à moitié plein, car cette sélection compte de bons éléments, d'excellents même et qu'elle a tout juste besoin de bon sens. La logique n'admettra jamais que nous laissions nos meilleurs atouts sur le banc, contre un Cameroun parfaitement prenable. L'Equipe de Tunisie n'était rentrée dans le match qu'aux dernières minutes de la première mi-temps. Elle en fit de même (après l'"habituelle" cassure de rythme) en deuxième mi-temps. Remonter deux buts face aux Camerounais est méritoire. Mais pourquoi en subir autant et bêtement. L'heure des comptes a sonné. Plus question de se voiler la face. Pas besoin de nous sortir cette berceuse qui avait tant comblé d'aise Roger Lemerre heureux que nous fassions partie des "huit meilleures équipes d'Afrique". Quelque chose a cassé. C'est un fait. Et nous ne pouvons plus continuer comme cela.
Amorphes Il était clair qu'Otto Pfister axait le plus gros de sa stratégie sur la droite, où le redoutable Njitap montait avec aisance et réussissait de bons relais, pour centrer. Et d'ailleurs la première chaude alerte pour la cage de Kasraoui se produisit à la 5' quand Njitap, justement, centra sur Dukong qui se détend et dévie de la tête de très peu à côté. Jusque-là la défense tunisienne paraissait frileuse. Le milieu de terrain avec nos trois pivots Mnari sur la gauche, Nafti au centre et Traoui, à droite n'exerçait pas de pressing. Les nôtres remballaient donc, assez souvent à l'aveuglette, et la fantastique action individuelle de Chikhaoui (10') un passement de jambes ponctué d'un tir en demi-volée qui passe à côté, eh bien cette action ne redonna pas confiance aux joueurs tunisiens. Ce n'est certainement pas un Santos, seul parmi les géants camerounais qui allait intercepter des balles longues imprenables. Chikhaoui, lui, essayait des relais, venant récupérer la balle et faisait des appels en diagonale tant sur la droite que sur la gauche. En vain. Lemerre avait bien parlé de "stratégie défensive" et de "stratégie offensive". Jusqu'alors nous n'avions décelé ni l'une, ni l'autre. Où était donc passée la prétendue "rapidité d'exécution de nos sélectionnés? A peine les Camerounais accéléraient-ils que l'équipe de Tunisie paraissait à la traîne, sans idées claires, sans repères. Et ce fut fatal: à la 19', faisant ce qu'ils voulaient à hauteur de nos 25 mètres, les Camerounais se livraient à un échange rapide de la balle. Song centre depuis la droite vers la gauche. La balle traverse notre surface de réparation, Kasraoui sort dans le vide; Haggui et Jaïdi sont pratiquement dépassés et c'est ainsi que Mbia, venu de derrière donne l'avantage au Cameroun. Une réaction? Aucune. Les Camerounais sont, depuis, maîtres du terrain. Invincibles sur les duels individuels, quadrillant le terrain et faisant pratiquement ce qu'ils voulaient. A un certain moment, leur ascendant tournait à l'exhibition. Nos joueurs s'accrochaient désespérément aux maillots adverses, taclaient toujours en retard, étaient incapables de jouer sur l'anticipation. Et puisque les Camerounais étaient les premiers sur la balle, nous concédions des coups francs dangereux. A la 25', Njitap marquait des 25 mètres sur balle arrêtée. Prenable, imprenable: ce n'est le plus important. Pas besoin de rechercher non plus du côté de Kasraoui: le naufrage devenait imminent. Et pour tout dire, jusqu'à la 35' le duel était inégal… Et puis, soudainement , un coup franc admirablement exécuté par Ben Saada (35') nous redonnait espoir. Quelques minutes après Santos ne suit pas une remise de la tête, dans la surface adverse. A quel niveau se situe le blocage? Car ce but ne paraissait pas redonner du tonus à la manœuvre tunisienne. Entretemps, nous perdions Haggui , Felhi prend sa place. Ben Frej entre et va sur la droite. Et à peine eut-il touché sa première balle que le latéral droit perça la défense adverse avec cette rapidité et cette technique typiques. Santos hérite de la balle (41') et tire rageusement sur la transversale. Sur le rebond, Ben Saada tire à la volée et Kameni sauve miraculeusement . Maintenant , on assiste à un spectaculaire renversement de situation: la Tunisie domine… Mais elle n'est réellement dans le match que lors des dix dernières minutes de la mi-temps. Dommage, le coup de sifflet de M. Koulibaly brise un élan.
Le tournant… A la reprise le renversement de tendance se vérifiait, encore plus. La Tunisie reprenait en force, avec fougue, tandis que "le monstre" camerounais devenait, à son tour, fébrile, agité, submergé. Les analystes avaient eu raison: quelque part le Cameroun est prenable. Il est lent en défense. Il faut l'agresser, le matraquer et il panique. Et d'ailleurs Chikhaoui (que lui arrive-t-il ?) avait le but tout fait au bout du pied. A présent, le jeu devient plus plaisant. La partie est captivante car la Tunisie donnait l'impression de pouvoir rétablir l'équilibre tandis que les Camerounais répondaient au coup par coup. A trente minutes de la fin, la sélection devait absolument jouer son va-tout. La Tunisie tout entière implorait Lemerre d'opérer les changements nécessaires. Il ne voulait pas prendre de risques avec Ben Frej. Mais c'est l'entrée de Ben Frej qui transforma notre sélection. Avec sa rapidité, un Chermiti n'aurait-il pas trouvé des failles dans une défense camerounaise lente et incapable de relance? Pfister devinait qu'il fallait renoncer à ses milieux offensifs et les remplacer par des pivots purs et durs: Epalle à la place d'Emana; Binya à la place de Makoun. Et tout cela était destiné à resserrer l'étau autour de Chikhaoui et à endiguer les montées de Ben Saada. Aussitôt Chikhaoui s'éteignit alors que Lemerre renonçait à l'un de ses trois pivots, sacrifiant Nafti pour Jemaâ. Changement judicieux car la défense camerounaise flottait. A l'image de Song, concédant un stupide corner à l'origine de l'égalisation tunisienne. Sur la remise , Ben Frej manœuvrait intelligemment et libérait Chikhaoui. Incroyable! Le but! Oui "un petit miracle". Nous retrouvions notre sélection. Si l'on exclut Eto'o, les Camerounais ne nous sont guère supérieurs. A six minutes de la fin réglementaire, Chermiti entre… Les Camerounais sont aux abois. Les nôtres encore frais. Mais la terrible épreuve des prolongations devenait inévitable.
Cueillis à froid Il suffit d'un rien, d'une distraction et tout périclite. Tant d'efforts, tant de débauche d'énergie s'évaporaient quand, deux minutes à peine dans les prolongations, Mbia (encore lui!) reprenait à volée dans les filets de Kasraoui, un centrage "tranquille"… Et du coup, la fougue, l'enthousiasme s'estompaient. Là, les Camerounais faisaient valoir leur expérience. La Tunisie fonçait tête baissée. Nous eûmes même quelques percées; mais des "percées" désabusées, dans un rythme saccadé. Immense déception! Raouf KHALSI
Formations Tunisie: Kasraoui - Falhi, Jaidi, Haggui (Frej, 40), El Bekri - Traoui, Nafti (Jemaa, 70), Ben Saada, Mnari - Chikhaoui, Santos
Cameroun: Kameni - Geremi, R. Song, Bikey, Atouba - Emana (Epalle, 62), Mbia, A. Song,Makoun (Binya, 65) - Idrissou, Eto'o