Le Temps-Agences- Les rebelles tchadiens ont exhorté hier les pays membres de l'Union européenne à ne pas participer à la mission de l'Eufor dans l'Est du Tchad, dont ils contestent la neutralité car elle est dominée par la France. De son côté, considérant que leur présence "devient une pomme de discorde" avec son voisin soudanais, le Tchad a menacé d'expulser tout nouveau réfugié fuyant les attaques de l'armée et de milices dans la région soudanaise du Darfour. La rébellion affirme que la France, qui est liée au Tchad par un accord de coopération militaire, a directement aidé le président Idriss Déby à repousser son attaque contre N'Djamena entre le 1er et le 3 février. Le Tchad accuse pour sa part le Soudan de soutenir les rebelles anti-Déby afin de bloquer le déploiement de l'Eufor, ce que dément Khartoum. L'alliance rebelle déclare que des chars et des hélicoptères appartenant au contingent français stationné au Tchad ont ouvert le feu sur ses combattants lors de récents affrontements. Elle ajoute que des civils ont été tués. "Par ses actes belliqueux manifestes, la France a montré à la face du monde qu'elle n'est plus neutre dans ce conflit qui oppose le régime dictatorial de Déby à la résistance nationale armée", ont déclaré les groupes rebelles dans un communiqué. La France, qui a obtenu une déclaration de soutien de l'Onu au gouvernement tchadien, dément que ses forces prennent une part directe aux combats, même si elle dit avoir riposté à des tirs en état de légitime défense pendant l'évacuation de N'Djamena d'un millier de ressortissants étrangers. "L'Alliance de l'opposition armée ne croit plus à la neutralité d'une force composée essentiellement d'éléments français et dont la direction opérationnelle est dirigée par la France", ont déclaré les groupes rebelles. "Par conséquent, elle demande instamment aux autres pays européens de s'abstenir de l'envoi de leurs ressortissants dans le cadre de l'Eufor, une opération dont le but ultime est de protéger le régime Déby". L'Eufor a suspendu son déploiement pendant les affrontements à N'Djamena et aux alentours, du 1 au 3 février. L'Eufor, qui comptera 3.700 militaires de 14 pays européens, doit se déployer dans les prochaines semaines dans l'Est du Tchad et dans le Nord-est de la République centrafricaine pour protéger les populations réfugiées ou déplacées par le conflit dans la province soudanaise du Darfour. Commandée sur le terrain par le général français Jean-Philippe Ganascia et composée à 55% de Français, la force européenne est placée sous le haut commandement du général irlandais Patrick Nash et sera le pendant de la force mixte Onu-Union africaine censée se déployer au Darfour même. John Holmes, coordinateur des secours d'urgence des Nations unies, a jugé préoccupante la situation sur le plan de la sécurité en raison de l'évacuation d'un grand nombre de travailleurs humanitaires de N'Djamena et de l'Est, où se concentre la majeure partie des efforts de secours. "Il y a un très grand problème humanitaire dans l'est avec 280.000 réfugiés du Soudan et de République centrafricaine et 180.000 personnes déplacées, totalement dépendants de l'effort international", a-t-il dit lors d'un déplacement en Finlande. Des milliers de réfugiés supplémentaires ont afflué ce week-end au Tchad, mais le Premier ministre tchadien, Nouradine Delwa Kassire Coumakoye, a déclaré hier qu'ils seraient expulsés à moins que la communauté internationale les renvoie au Soudan ou leur trouve un autre pays d'accueil. "Nous demandons tout simplement qu'ils soient déplacés, sinon nous nous" en chargerons, a dit le chef du gouvernement, ajoutant qu'ils pourraient être envoyés "au Soudan, voire au Darfour". Après la bataille de N'Djamena, qui a fait au moins 165 morts et plus de 800 blessés, les rebelles se sont retirés vers l'Est du pays. Ils ont affirmé avant-hier qu'ils occupaient la ville d'Am Timan, dans l'Est, et plusieurs localités dans le Centre du pays. Depuis le début de l'offensive rebelle, des avions français effectuent des missions quotidiennes de reconnaissance au dessus du Tchad. Un porte-parole militaire français, Pascal Le Testu, a confirmé que les rebelles se trouvaient à Am Timan mais ajouté que les forces gouvernementales contrôlaient les villes de Mongo et Bitkine, dans le Centre, que les rebelles affirmaient avoir prises.