La question du journaliste de Sonntags Blick* à Chikhaoui •Vous êtes croyant musulman, comment priez-vous souvent? Chikhaoui: Cinq fois par jour, toujours un peu moins de dix minutes. La première prière, le plus souvent à six heures du matin. J'ai toujours eu un petit tapis et une boussole pour moi afin que je sache où se trouve la Mecque. Le vendredi, je vais ailleurs, toujours dans la mosquée, le lieu est d'ailleurs tout à fait indifférent. Avant le match contre Hambourg, j'ai, par exemple, fait la prière dans la cabine". Il s'agit là d'une première maladresse. Une ingénuité. Et, au risque de choquer, d'une relative méconnaissance de la philosophie de l'Islam. Philosophie essentiellement basée sur l'exclusivité du lien entre le musulman et son créateur. Un rapport intime et qui ne doit pas être affiché ou exhibé. La formulation dans la question "croyant musulman" est, en elle même, subversive: peut-on être (dans notre religion) croyant et non musulman ou musulman non croyant? Il n'empêche: Chikhaoui tombe dans le panneau. Il donne des détails, ponctuels, précis comme une montre suisse, justement, sur la manière dont il assume sa dévotion cinq fois par jour, confiant en cette boussole qui l'oriente vers la Mecque, même dans une cabine de pilotage. Avait-il besoin de le prouver? Quelque part Chikhaoui est confondu dans les brumes d'une époque contrastée: d'un côté on exhibe la dépravation; de l'autre, on affirme, avec véhémence même (ce n'est pas son cas) son "islamité". Mais le dérapage se produit lorsque Chikhaoui répond à une question plus subversive encore: (…) Pensez-vous qu'il est juste que le caricaturiste doit (doive) être mis à mort? Chikhaoui balbutie: "Je ne veux pas dire qu'il est juste de le tuer ou pas. C'est l'affaire de Dieu". On connaît la suite. N'ayant pas été tranchant quant à la Fatwa décrétée à l'endroit du caricaturiste danois, Chikhaoui fait l'objet du déchaînement de la presse suisse et, surtout, de la presse allemande. A leurs yeux Chikhaoui serait "un sympathisant des Islamistes radicaux". La presse allemande a, même, appelé les admirateurs de Chikhaoui, en Allemagne, à cesser de le convoiter. En fait, elle l'a massacré. Et, pire que tout, elle décrète une Fatwa à sa manière, contre notre international. A bien y réfléchir, le journaliste a bien calculé son coup. Chikhaoui a, pour ainsi dire, la tête de l'emploi. Et puisque bien des Suisses, bien des Allemands et autres descendants des Vikings se proclament de la supériorité eugénique de la race, ils finiront bien par déceler un délit de faciès en Chikhaoui. Ils avaient bien avalisé les caricatures de Mohamed et "fabriqué" des peluches représentant le pape Benoît VI en peluche et alors… Mais le problème n'est pas là. Certaines pratiques sont en train de s'insinuer dans les mœurs du football. En Egypte, d'abord, au Maroc et chez nous. Les entraîneurs ont du mal à gérer le jeûne presque généralisé de leurs joueurs durant le mois de Ramadan alors que, dans les cinq piliers de l'Islam, celui qui traite du jeûne est le plus souple. Lisez l'interview de Selliti: "Vous découvrirez une vision obtuse des choses. Sans doute les footballeurs professionnels sont-ils angoissés du fait de la fragilité de leur carrière. Cette angoisse les pousse soit vers une descente aux enfers (Maradona); sinon vers les stratosphères à la recherche d'une protection divine. Les dieux du stade s'effacent. Les mythes tombent. Dieu se retrouve dès lors mêlé au football. Sauf que le football est l'école de la laïcité par excellence. S'il est apolitique, le sport ne peut être qu'areligieux. Lorsqu'on est "trop" croyant le mieux serait, en effet, de ne pas parler religion… Et puis les footballeurs devraient préserver leur intimité avec Dieu, éviter de faire des prières sur la pelouse d'un stade bondé de spectateurs (à Tamalé) et ne parler football sinon autre chose qu'ils maîtrisent . Ces manifestations d'indignation aveugle que nous lisons sur quelques tabloïds, de chez nous, sont trop intempestives, trop épidermiques. Défend-on l'Islam ou défend-on Chikhaoui? Car si l'on veut coûte que coûte que le football connaisse des dérives à coups d'amalgame, un jour les Ayatollahs finiront par réinventer les "systèmes de jeu"… et ce sera un chantier de plus pour Dieu. Raouf KHALSI
*D'après le blog "Tunisia Watch" du 22 février, repris par notre consœur l'Expression, parue hier, dans le cadre d'un article intitulé: "Chikhaoui salafiste malgré lui"