Spécialité typiquement allemande, l'économie sociale de marché semble intéresser les pays du Maghreb. Le système a été abondamment expliqué par deux experts allemands, Marcus Marktanner, professeur d'économie à l'Université américaine de Beyrouth et Jorg Winterberg également professeur d'économie dans une université allemande, à la faveur d'un workshop organisé à Tunis par la Fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung (KAS). Il en ressort que l'économie sociale de marché (Soziale Marktwirtschaft) est un système économique, mis en place en Allemagne de l'Ouest et en Autriche pendant la Guerre froide, fortement inspiré par l'ordolibéralisme.
L'économie sociale de marché assume l'idée que le libre marché est naturellement social. Ce système s'oppose au socialisme mais aussi au capitalisme sans règle. Il cherche à obtenir et maintenir à la fois une croissance élevée, une faible inflation, un faible chômage, de bonnes conditions de travail, une protection sociale et des services publics, à travers une intervention active de l'Etat[réf. nécessaire]. Bien que controversé au départ, ce modèle s'est imposé en Allemagne comme en Autriche, et on lui attribue parfois le « miracle économique » de ces pays. Au Royaume-Uni, l'expression est reprise lors des années 70 dans la même acception par le Center for Policy Studies qui réunissait les théories les plus libéraux dont Margaret Thatcher et Keith Joseph. Le centre se fit un moment l'apologiste de l'économie sociale de marché, expression qui permettait de rappeller que seule une économie de marché pouvait permettre le progrès social. Ce modèle peut-il être adapté à la réalité des pays du Maghreb ? Oui, répond l'économiste tunisien Azzam Mahjoub qui estime que « le modèle allemand en la matière intéresse particulièrement les pays du Maghreb et du monde arabe en général tout en tenant compte des caractéristiques culturelles et spécificités historiques de chaque société ».
Le double rôle de l'Etat
Une articulation entre l'Etat et les partenaires sociaux doit exister, a-t-il notamment affirmé mettant en relief le double rôle de l'Etat à savoir social en assurant la protection des plus démunis en partant des valeurs religieuses de solidarité et de compassion, et économique en adoptant une économie de marché rentable et concurrentielle qui doit tenir compte de l'être humain avant d'engager toute action. Pour Markus Marktanner, l'économie sociale de marché allemande qui est souvent décrite comme une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme constitue également une option pour le monde arabe, précisant toutefois que ce dernier souffre de trois problèmes que l'Allemagne a su éviter grâce à l'économie sociale de marché : manque de concurrence dans le secteur privé, orientation vers l'intérieur et inégalité des chances.
En Allemagne, la concurrence a fait augmenter les revenus, a élargi la base fiscale et a contribué à la modernisation économique. L'orientation vers l'extérieur a en outre conduit à de relations pacifiques avec ses voisins européens. L'égalité des chances économiques et la redistribution des revenus ont par ailleurs réduit les inégalités régionales en termes de revenus et encouragé la mobilité verticale à l'intérieur de la société. L'esprit de l'économie sociale de marché se fait également sentir au sein de l'Union européenne. Le monde arabe, par contre, s'est engagé dans une stratégie à orientation intérieure quelque peu socialiste qui a mené à une bureaucratisation de l'activité économique, la fuite des capitaux, la disparition de la classe moyenne dans le secteur privé....
La plupart des pays arabes ont aujourd'hui besoin d'un nouveau paradigme politico-économique, affirme le conférencier qui estime que l'économie sociale de marché peut constituer une alternative intéressante, notamment par rapport à son principal concurrent le Consensus de Washington ( voir encadré)..
Dans semblable architecture, l'Etat n'intervient dans le processus économique par des actions correctives que pour minimiser les distorsions du marché. Cela signifie. qu'au lieu d'accorder des subventions à des secteurs industriels en déclin, l'Etat soutiendra les ouvriers licenciés à développer de nouvelles compétences. En outre, l'Etat n'intervient qu'en dernier lieu, il fait d'abord appel à la responsabilité individuelle de chacun. Néanmoins, l'Etat réagit lorsqu'une économie tend vers la récession, il agit pour soutenir les citoyens qui n'ont pas accès aux opportunités économiques. Il anticipe également des défaillances du marché dans le domaine de l'éducation, de la sécurité sociale, des infrastructures publiques et de l'environnement.