*Une zone de libre échange pour réduire l'étendue du marché informel Les relations commerciales entre la Tunisie et la Libye n'ont jamais été aussi bonnes. Et ce au grand bonheur du marché parallèle qui en profite le plus. Même si le volume des échanges commerciaux officiels a dépassé un Milliard de dinars en 2005, le circuit informel en a profité largement. La Libye est à l'origine d'une bonne partie de l'approvisionnement des souks désormais connus sous l'appellation « souk Libya » et qui existent dans toutes les villes tunisiennes. Le marché parallèle ne touche d'ailleurs pas uniquement les marchandises, il influe indirectement aussi sur les prestations sanitaires. En effet et bien qu'une bonne partie des touristes libyens, qui viennent en Tunisie, le font pour des raisons sanitaires dépensant des sommes importantes, il se trouve que la plus grande partie des rentrées en devises, afférentes à ces prestations, est échangée sur le marché parallèle et dans les « boutiques de change » le long de la GP1, sur le tronçon reliant Ras-Jedir à Medenine. Seule la partie, qui passe par les canaux sanitaires officiels, entre en ligne de compte du « Change » dans les banques commerciales.
Assouplissement Les autorités commerciales des deux pays sont conscientes de cette situation. C'est la raison pour laquelle, la dernière commission mixte a décidé l'instauration d'une zone de libre-échange entre les deux pays. L'élimination des taxes douanières va rendre fluide l'échange des marchandises et va réduire le champ d'action de la contrebande. Les barrières douanières ont toujours été une source d'inquiétude pour les opérateurs économiques des deux côtés de la frontière. Les commerçants et les particuliers opteraient inévitablement pour l'approvisionnement dans cette nouvelle zone franche.
Coopération Les nouveautés ne se limitent pas à ce volet. En effet, la Libye va renforcer son implication sur le marché tunisien. Ainsi, elle participera à l'implantation de la raffinerie de la Skhira, à côté d'un opérateur Qatari. Un pipeline va même relier la Libye à cette raffinerie, ce qui permettrait de sécuriser l'approvisionnement de la Tunisie en pétrole pour les prochaines décennies. Des études sont aussi en cours pour la constitution d'un pôle régional de services avec, à la base, des sociétés conjointes tuniso-libyennes de production et de service.
Officiellement 850 millions de dollars d'échanges Les statistiques officielles parlent de 850 millions de dollars d'échanges commerciaux en 2005. La présence des opérateurs économiques sur les deux bords de la frontière est concrétisée par 39 entreprises libyennes opérant en Tunisie et 27 entreprises tunisiennes opérant en Libye, en plus de 16 entreprises mixtes. Ceci au niveau officiel, quant à la contrebande à travers les frontières, le marché parallèle propose l'essence à 750 millimes, des cigarettes de sources et de compositions douteuses (c'est pourtant un produit monopolisé et un grand générateur d'impôts) sont proposées à des prix alléchants. La Libye est ainsi devenue la nouvelle destination de shopping des Tunisiens. Sa récente ouverture sur l'étranger, sa proximité, l'absence de TVA et de taxes douanières en ont fait le nouvel Eldorado, notamment pour les produits de luxe. Les différences de prix peuvent facilement dépasser 40 %. La destination Libye est apparemment plus rentable que le Maroc ou la Turquie.
L'importance Certaines projections (qui restent à vérifier) estiment les échanges sur le marché informel à près de deux milliards de dinars, dont un bon tiers pour les prestations médicales. En effet, si l'on admet que sur le 1.400.000 Libyens qui sont entrés en Tunisie, un million l'est pour des raisons médicales, cela s'entend patients ou accompagnateurs, confondus. Les indicateurs manquent pour établir des statistiques précises. Il n'empêche que les chiffres réels n'ont rien à voir avec les statistiques présentées quelque part et qui indiquent qu'un chiffre de moins de 60.000 patients, Libyens et étrangers, ont été soignés en Tunisie. Donc, où sont passés les autres patients ? Il est clair qu'ils n'ont pas été comptabilisés dans ces « statistiques ». La fiscalité et les impôts ne sont pas étrangers à de telles contradictions. Il serait donc vraiment utile de remettre de l'ordre, à tous les niveaux, dans les relations avec les voisins libyens.
Les objectifs Que ce soit en Tunisie, ou en Libye, il est clair que la culture citoyenne n'a pas encore un impact notable. Ainsi, ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on paie ses impôts, du côté tunisien. Les Libyens, non plus, n'adhèrent pas volontiers aux parcours de soins proposés par leurs structures sanitaires, en harmonie avec leurs homologues tunisiens. Pourtant, ils seraient ainsi mieux rassurés sur la qualité des soins qui leur sont fournis et sur les coûts qui leurs sont facturés. Mais, des deux côtés de la frontière, la discipline civique n'est pas de mise. Pourtant, c'est l'un des piliers de l'économie libérale, chère aux contrebandiers et aux patrons des cliniques. Or, c'est de l'acquittement de ces impôts que les structures de l'Etat puisent leurs fonds pour fonctionner. Donc, la remise de l'ordre dans les relations économiques tuniso-libyennes servirait énormément la cause du développement conjoint des deux pays et améliorerait sensiblement l'environnement de l'investissement. Mourad SELLAMI
*** Que ce soit en Tunisie, ou en Libye, il est clair que la culture citoyenne n'a pas encore un impact notable. Ainsi, ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on paie ses impôts, du côté tunisien. Les Libyens, non plus, n'adhèrent pas volontiers aux parcours de soins proposés par leurs structures sanitaires, en harmonie avec leurs homologues tunisiens