L'« Union méditerranéenne » peut être le fruit d'une prise de conscience du rôle historique, civilisatrice et fondamental de cet espace méditerranéen, au cœur des trois grandes cultures religieuses du Monde contemporain : juive, chrétienne et musulmane, si on lui procure les moyens de sa réussite. Si l'on veut bien reconnaître toute sa richesse d'échanges millénaires, rayonnant jusqu'en Europe sur les fondements multiples de celle-ci, la Méditerranée, forte de sa diversité culturelle, de ses peuples, mais aussi de ses temps d'invasions, d'occupations coloniales et de libération. La Méditerranée a forgé son identité d'Est en Ouest, et du Nord au Sud par la douleur de ses peuples et elle continue à le faire. De Tanger à Nicosie en passant par Barcelone, Al Djazaïr, Marseille, Antalya, Damas, Izmir, Sfax, Gaza, Dubrovnik, Iraklion, Beyrouth, Haïfa, Benghazi, Tripoli, Alexandrie, Le Caire, et bien sûr Tunis.
Mais de quelle « Union de la Méditerranée » parle -t-il ? Sûrement pas d'une union paternaliste, aux mains d'une Union Européenne en quête de nouveaux marchés, de nouvelles matières premières, de nouveaux terrains de délocalisation économique ! Non plus d'une UE à la recherche d'une implantation touristique au profit des chaînes multinationales, ou en manque d'influence géopolitique ? Encore moins d'une UE qui voudrait étendre sa logique de « concurrence libre et non faussée » sous le pilotage d'une présidence, d'un gouvernement ! Le tout étroitement surveillé par les USA et L' OTAN ! A ceux qui prêchent une telle approche, il n'est pas inutile, n'en déplaise aux tenants de « la modernité » de rappeler ces propos de Pierre Mendes France, à la tribune de l'Assemblée Nationale le 18 janvier 1957 : « l'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes. Soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique. Car au nom d'une saine économie on en revient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement 'une politique', au sens le plus large du mot nationalement et internationalement. »
Quel devenir voulons- nous pour la Méditerranée ? L'ensemble des pays et peuples de la Méditerranée est à la recherche d'une « Union » qui serait fédératrice de solidarité pour le développement économique et l'émancipation sociale de chacun. Ils militent pour un co-développement au service de la croissance et de la résolution du problème de l'emploi. Ils prêchent une union respectueuse des exigences de la protection de l'environnement et des droits de l'Homme, une union qui soit au service des populations des deux rives et sert leurs intérêts. Et enfin, rien à faire d'une « Union » qui, sous couvert d' « Union » serait confisquée par quelques intérêts privés, financiers, spéculateurs, afin de décupler leurs forces d'exploitation et de domination. Nous voulons une union méditerranéenne ouverte sur l'Europe et le monde, qui soit réellement au profit de l'ensemble des pays et des peuples qui se trouvent sur les deux rives autour de la Méditerranée, au Nord comme au Sud, à l'Est et à l'Ouest.
Que devons- nous, que pouvons- nous défendre dans ce sens ? Les pays, les peuples du Maghreb et notamment la Tunisie, doivent et peuvent prendre toute leur place dans une dynamique d'initiatives, pour parvenir à construire un véritable outil de progrès social, économique et politique. Les pays, les peuples, des rives Sud et Est doivent aussi participer pleinement à cette politique de progrès, sans attendre que 'la loi' leur soit dictée par force de 'la loi marchande' ou de celle de la puissance militaire. Une convention pourrait, peut-être, voir le jour, pas à pas mais résolument, au delà les obstacles, des clivages, des malentendus, en vue d'un développement partagé et durable. Une telle orientation donnerait alors au contenu d'une « union pour la Méditerranée », toute la dignité, la justice sociale que les peuples méritent, quelles que soient les immigrations ou les nationalités.