déclare Mohamed Trabelsi, membre du Bureau exécutif de l'UGTT Le 7ème round des négociations sociales dans le secteur privé dont la phase sectorielle devait démarrer le 24 mars dernier, a été reporté à une date ultérieure. Le différend sur le droit syndical entre les représentants de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) et ceux de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), a bloqué les négociations. Pour en savoir plus sur la position des uns et des autres nous avons contacté les deux parties et nous donnons, aujourd'hui la parole à Mohamed Trabelsi, membre du Bureau exécutif de la centrale syndicale. Du côté de l'UTICA, on nous a promis une réaction dans les prochains jours d'un membre de la direction de l'organisation patrônale. Interview de Mohamed Trabelsi.
• Le Temps : La commission administrative de la centrale syndicale a accusé le patronat d'être à l'origine du blocage des négociations sociales dans le secteur privé. Quels sont les arguments à la base de cette accusation ? -Mohamed Trabelsi : Personnellement, j'ai été surpris de la rigidité de la position patronale concernant le droit syndical. Cela évoque un phénomène « maladif » de nos sociétés arabes. Le fossé gigantesque entre le discours et la pratique de notre élite. Le discours se réfère toujours aux vertus du dialogue social dans l'esprit du partenariat, du respect du droit des autres particulièrement du droit syndical. Mais soudainement ce discours perd sa crédibilité au moment où on commence à l'institutionnaliser. C'est ce qui se passe actuellement lors des négociations sociales. En effet, depuis des années et à l'occasion des rounds précédents, l'UGTT a toujours évoqué le problème des violations du droit syndical et des libertés syndicales dans plusieurs entreprises du secteur privé. Une violation des lois nationales et des conventions internationales. Le patronat quand à lui se plaint de « dépassements » par les syndicalistes dans certaines entreprises. Plusieurs conflits sociaux puisent leurs origines de cette situation. Il faut donc réglementer les droits et les devoirs de chacun pour apaiser la situation sociale dans l'entreprise et promouvoir ainsi le dialogue social à partir de l'entreprise et responsabiliser les partenaires sociaux de façon à jeter les bases d'une nouvelle culture du travail et une bonne gestion de l'entreprise. Ceci est bien de nature à assainir le climat social et à améliorer la capacité productive de l'entreprise et l'emploi. Bref, instaurer un nouvel esprit de partenariat dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux. Malheureusement, une forte tendance au sein de l'organisation patronale ne voit pas les choses du même côté et ne partage pas la même vision. Cela s'est manifesté encore une fois pendant ce round des négociations sociales. C'est un blocage qui pourrait avoir des effets négatifs sur l'ensemble du climat social et sur les relations professionnelles.
• Que compte faire l'UGTT pour débloquer la situation ? -Nous comptons, tout d'abord, sur le bon sens de la direction de l'UTICA, d'autant plus que les relations entre l'UGTT et l'organisation patronale sont historiques et se sont tissées depuis la lutte pour l'indépendance du pays. Nos deux organisations ont été créées pour servir les intérêts du pays et de notre société. Elles sont donc condamnées à trouver le compromis sur les questions en suspens. Nous pensons aussi que le gouvernement ne doit pas se contenter du rôle de spectateur. Sa neutralité doit être positive en poussant vers le compromis dans un esprit du respect de la constitution, du code du travail, des conventions internationales et le respect de la liberté syndicale dans l'entreprise. La promotion du dialogue social à partir de l'entreprise fait partie du processus de la démocratisation de la vie sociale dans le pays. Je dois ajouter également qu'il est de l'intérêt de tout le monde que l'UGTT ne soit pas l'organisation à majorité écrasante de fonctionnaires et de travailleurs des entreprises étatiques. Son équilibre et sa stabilité ainsi que la stabilité sociale dépend en grande partie dans sa capacité de mieux s'implanter dans le secteur privé.
•Et en ce qui concerne les augmentations salariales. Quelle est la position de la centrale syndicale. -Il est vrai que le pouvoir d'achat des travailleurs a subi une détérioration manifeste ces derniers temps, et si cela continue la récession deviendra inévitable. Le soutien du pouvoir d'achat du travailleur pendant ces quinze dernières années a été un stimulant principal à la croissance, donc à la création d'emploi. Aujourd'hui, il faut à la fois maîtriser une inflation galopante et procéder à des augmentations qui compensent et la détérioration du pouvoir d'achat et la capacité de notre économie à digérer ces augmentations. Ça ne sera pas facile. Mais, depuis 1990, le compromis sur le salaire et l'augmentation n'a jamais fait défaut. On a toujours trouvé des solutions. Il faut donc concentrer les efforts pour écarter les obstacles et les difficultés de peur de les voir se généraliser et rendre les négociations sociales encore plus difficiles. Interview réalisé par Néjib SASSI