Le jeune homme de vingt-cinq ans était clairement agressif et ses paroles pétaient le plomb. C'était le premier constat du chauffeur de taxi qui l'a pris avec lui pour l'emmener d'un quartier à un autre de la capitale. Le conducteur ne pressentait pas des risques majeurs car on était en plein matin, l'activité était intense sur les routes et les craintes des chauffeurs commençaient généralement avec le coucher du soleil. Le taximan se disait qu'il ne pouvait pas refuser de prendre un client juste parce que son visage ne lui avait pas plu. C'était hors de question et on ne choisit pas ses clients. Donc, c'était avec ces sentiments mitigés que le conducteur entamait son parcours matinal. Il n'échangeait pas de paroles avec son client et se dirigeait vers la destination que celui-ci lui avait indiquée. Arrivant sur les lieux, le client lui demandait de continuer à travers des pistes sinueuses. Le chauffeur refusait prétextant qu'il n'avait pas de roue de secours. C'était le moment choisi par le client pour tirer un long couteau et le menacer avec. Le conducteur obtempéra et continua sa route en espérant trouver une solution au gré de l'évolution des évènements. Le client demanda au chauffeur de s'arrêter devant une maison délabrée et lui ordonna de descendre et de lui remettre sa recette du jour. Le chauffeur lui répondit qu'il venait de faire le plein de gas-oil et qu'il ne lui restait que quinze dinars. L'énergumène fouilla le chauffeur pour vérifier la véracité de ses dires. Craignant le pire pour sa voiture, le chauffeur de taxi était encore conciliant allant, même, jusqu'à promettre au forcené qu'il n'allait pas porter plainte, et il fit profil bas, échappant aux griffes de son agresseur, la présence de quelques passants y aidant. L'énergumène a fini par partir avec la caisse, laissant le chauffeur à son sort. Celui-ci alla, dare-dare, au poste de police le plus proche raconter sa mésaventure et donner les signalements de son agresseur. Une patrouille est parvenue à appréhender le malfaiteur, en un temps record et alors que les 15 dinars étaient encore dans ses poches. Il a essayé de nier les faits prétendant qu'il y avait des rancunes entre eux et que le plaignant cherchait à se venger. Le témoignage d'un passant a confirmé les dires du chauffeur de taxi. Malgré ses dénégations, le gaillard a été arrêté et transféré devant le tribunal pour vol avec violence. Son avocate a essayé de plaider le doute qui entourait les circonstances du déroulement de cette affaire. Elle s'est interrogée sur les raisons qui ont empêché la victime de s'arrêter sur la route principale. Elle a demandé sur cette base, la relaxe de son client. La cour de première instance de Tunis n'a pas suivi la thèse de la défense, et condamna l'accusé à dix ans de prison ferme.