Finalement, il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour l'avenir politique de La Russie : la photo de famille ne change pas et la continuité est assurée au sein de l'équipe dirigeante et régnante. Un coup à droite, un coup à gauche, et le tour est joué. Il est même dit que le peuple russe en a voulu ainsi en votant massivement pour l'alter ego de Poutine. Medvedev fut premier Ministre sur le fil. Il est désormais président sur le gril. Poutine, lui, récupère la place laissée vide et s'octroie, en passant, de nouveaux pouvoirs que son ancien premier ministre, devenu président, n'avait pas. L'amitié est une bien belle chose, mais il ne faut rien exagérer. Il arrive que le pouvoir, et les dorures de la République, donnent de mauvaises idées. Par exemple conduire à son terme l'entreprise de lutte contre la corruption. Depuis Eltsine, le mentor de Poutine, ce projet là a été au centre des programmes de gouvernement successifs. L'idée séduit, et le nouvel homme du Kremlin n'a pas manqué d'être séduit et de promettre de nettoyer à son tour le système. Il ne précise pas encore sa pensée, mais ça ne saurait tarder. A moins d'imaginer de sordides marchandages sur l'usage de cette arme, le nettoyage, pour consolider le clientélisme et se débarrasser des gêneurs. Dans un pays où les grosses fortunes se font à très grande vitesse, les marchés colossaux ne se concluent pas toujours dans la transparence la plus totale. Medvedev dirigeait jusqu'à récemment Gazprom, le géant mondial du Gaz et il doit avoir sa petite idée sur les questions de corruption. Son prédécesseur à la présidence aussi, puisqu'il avait mis en prison plusieurs de ces empêcheurs de tourner en rond. En plus de se sucrer, selon les chefs d'accusation, les condamnés pour corruption avaient eu l'outrecuidance de s'opposer au patron du pays. Ils ont été mis en échec et mat, pour user des mots en vogue dans un pays à très grande tradition échéphile.
Le blitz menteur Pas tous, puisqu'il restait justement l'ancien champion du monde des échecs, Kasparov. Celui-ci, fort de son aura de grand maître des échecs au roi et aux tours les mieux cadenassées, a tenté de jouer une ouverture, un peu dans l'esprit de la diagonale du fou. Les calculs savamment orchestrés, il connaît. Ou croyait connaître. Dans l'exacte mesure bien entendu où une partie doit se plier aux règles du jeu, fixées à l'avance. D'où probablement l'erreur, et l'élimination rapide de Kasparov de la compétition. Il avait devant lui des compétiteurs assurés de la bienveillance de l'arbitre, de celle des spectateurs et de toutes les fédérations de Russie. La partie fut par conséquent ce qu'on appelle en langage échéphile un blitz : rapide et sans fioritures. En plus une blitz menteur. Le champion des échecs s'est donc fait avoir par la multiplication des pions dont les politiques savent se servir pour se maintenir au pouvoir, en dépit de toutes les logiques. Il n'a pas compris qu'en Russie aussi, les parties ne se gagnent pas sur l'échiquier, mais sur le tapis. Ailleurs, on assure la succession par un parent, un peu pour montrer que les républiques sont des monarchies décadentes. En Russie, on privilégie les jeux de costumes. Comme au théâtre de l'absurde. A chacun sa mise en scène au festival du tragi-comique. Mais est-ce encore amusant ?