Elle avait la quarantaine révolue, le teint pâle et le visage gagné par les rides malgré de notables efforts d'embellissement. Elle était ingénieur dans une firme de renommée internationale, avait un salaire alléchant et possédait un appartement dans une cité huppée de Tunis. Son problème, c'est qu'elle n'avait pas d'homme dans sa vie. Sa jeunesse, elle l'avait consacrée à ses études et à son ascension professionnelle. Elle avait refusé les quelques offres qui s'étaient présentées à elle pensant qu'elle méritait mieux. Plus tard et avec l'avancement de l'âge, la solitude lui pesait et elle commençait à avoir peur du 3ème âge dont les signes annonciateurs apparaissaient déjà avec les rides et les cheveux blancs. Bien sûr, les crèmes et les teintures cachaient tout. Mais, elle était consciente de la situation et commençait à être hantée par le doute. Elle essayait de cacher son état d'âme et se tuait au travail pour oublier ses peines. Sa mère était plus anxieuse qu'elle et ne cessait de lui proposer d'aller voir des voyants de renommée. La vieille dame était sûre que sa fille était habitée par un « djin » œuvre de l'une de celles qui l'enviaient pour sa réussite professionnelle. On lui avait sûrement jeté un mauvais sort. Sans l'annoncer, le refus de la jeune fille de s'adonner à de telles pratiques s'affaiblissait avec le temps et elle se convainquait intérieurement de son ensorcellement. Or, elle n'osait pas annoncer cela. Ainsi, elle décida d'aller seule consulter un voyant dont on lui avait dit du bien. La première séance se passait sans embûche. Le bonhomme d'une cinquantaine d'années demanda à la jeune fille de lui raconter sa vie sans omettre un quelconque détail. Lors de la deuxième séance, il la priait de lui préciser quelques détails de sa vie intime. A la troisième séance, il l'informa que son cas était difficile et qu'il ne savait pas s'il était en mesure de le résoudre. Ce n'était qu'alors que la jeune fille commençait à le croire. Avant, elle présumait que ces charlatans donnaient des recettes pré-établies. Donc, elle priait le bonhomme de faire le nécessaire et montrait ses prédispositions à lui donner ce qu'il fallait pour réussir dans sa tâche. Ainsi, il commença à lui soutirer de l'argent. Et, mine de rien, le charlatan a extorqué à la fille la somme de huit mille dinars. Le pire, c'est que le bonhomme a essayé un jour d'attenter à la pudeur de la jeune femme en lui faisant croire que c'était nécessaire pour faire partir le « djin » qui habitait son corps. Ce n'était qu'à ce moment-là qu'elle a compris que ce voyant n'était qu'un imposteur et elle est allée raconter sa mésaventure à la police. Interpellé, le bonhomme a reconnu que la jeune fille était sa cliente. Mais, il a nié avoir reçu ledit montant de huit mille dinars et les allégations d'atteinte à la pudeur de la jeune fille. L'enquête entamée a poussé une autre jeune fille de 35 ans à aller porter plainte, elle aussi, pour atteinte à sa pudeur par le même voyant. Les soupçons des enquêteurs se sont alors renforcés quant à la véracité des faits reprochés au voyant. Mais, il persista dans ses dénégations. L'enquête suit son cours.