" Il est fou, il consulte un psy ! ", " ne le fréquente pas, il peut être dangereux, il voit un psychiatre ! ", " Tu as entendu ? Le pauvre, notre voisin, et bah ! il a complètement perdu sa jugeotte, on l'amène chez un psychiatre ! "...Presque un siècle depuis que Freud en a fondé les ABC et beaucoup de Tunisiens continuent à avoir envers la psychiatrie une peur farouche et une honte illimitée. Plusieurs personnes parmi celles qui ont des problèmes et qui, pourtant, savent trés bien qu'elles devraient consulter un spécialiste, refusent de sauter le pas et de suivre une thérapie. Il existe aussi celles qui ont le courage de le faire, car il faut toujours du courage pour affronter et regarder en face ses problèmes, sans pour autant l'avouer. Il est evident qu'il ne s'agit pas de le crier sur tous les toits, mais on ressent en elles une profonde honte et beaucoup de malaise si on évoque le sujet en leur présence. Gad El Maleh l'exprime dans un de ses " one man show " : " Les gens ne disent pas qu'ils consultent un psy, ils disent je vois quelqu'un, ou alors je me fais suivre. Moi, le jour où j'aurai l'impression de me faire suivre, j'irai sûrement consulter ! ". Drôle de manière de tourner en dérision toutes ces personnes dont le mot " psychiatre " a du mal à dépasser le bout des lèvres. L'entourage, lui-même, ne se montre point clément, parfois. On accuse de folie une personne qui passe par une dépression, on transforme en démon, une personne qui vit une névrose. Quant à la psychose, inutile d'essayer de le leur expliquer... Et, pourtant, on vit dans une époque où les névroses font rage et où les maladies psychosomatiques sont " très à la mode "... Chez d'autres personnes par contre, la psychiatrie devient un effet de mode et une façon de faire l'intéressant. Elles consultent le psy presque autant qu'elles consultent le généraliste si ce n'est plus et elles y ont recours sans même en avoir besoin. Leur enfant pleure et elles courent l'amener chez le psy. Leur fils n'est pas assez concentré et elles le font suivre. Leur fille adolescente tire un peu la gueule et elles se précipitent chez le " psy de famille "... De plus, elles croient que cela fait chic et " intello " de lancer dans une conversation : " Vous savez, je l'emmène chez un psy, le pauvre petit ne voit pas qu'il dépasse toujours une ligne en écrivant " ou alors " je suis une thérapie afin de pouvoir oublier le traumatisme que m'a provoqué la perte de mon caniche... " Des centaines de personnes vivent des vrais traumatismes et de sérieux problèmes et ne se rendent pas compte de la nécessité de consulter ou s'en rendent-elles compte mais la peur du regard des autres les en empêche et quelques personnes " gâtées " ou "gâtant " leurs enfants cultivent une vraie dépendance envers les psy, tel est le cas de beaucoup de personnes chez nous. Il existe bien sûr celles qui trouvent que la psychiatrie est une discipline sans la méjuger ni cultiver de l'admiration pour elle.