Le jeune homme présent à la barre du Tribunal de première instance de Tunis pour une tentative d'assassinat n'avait en l'apparence rien d'un malfrat. Il était âgé de vingt-cinq ans et on lui aurait donné le bon dieu sans confession. Pourtant, la lecture de l'arrêté d'accusation par le juge montrait que ce jeune homme était accusé de tentative de meurtre sur la personne d'un adulte de trente-huit ans et que cette tentative était préméditée. Lors de son interrogatoire, l'accusé a avoué avoir préparé de longue date cette action. Il a affirmé qu'il a été violé à l'âge de treize ans par cette personne et que ses parents n'avaient pas voulu porter plainte à l'époque préférant se taire pour ne pas faire trop de vacarme autour de la question. Le jeune homme pleurait à chaudes larmes en évoquant ces péripéties. Il a affirmé s'être senti délaissé par les siens et il ruminait sa vengeance depuis. Sa famille a changé de résidence et ils sont partis habiter dans une autre localité dans la banlieue de Tunis. Mais l'adolescent a conservé des liaisons de son ancien entourage et il a continué à suivre les traces de son violeur. Il a su que celui-ci s'était marié et qu'il est actuellement père de deux enfants âgés respectivement de huit et de dix ans. L'idée lui était passée par la tête de lui rendre le reste de sa monnaie et de détourner l'un des enfants. Mais sa conscience n'était pas tranquille et il considérait que les enfants étaient innocents et qu'ils n'avaient pas à payer pour leur père. L'accusé a expliqué comment il a su que son bourreau se saoulait chaque week-end dans un bar connu et qu'il rentrait à pieds. Il a étudié le parcours de sa victime et a déterminé une zone isolée où il pouvait appliquer son projet sans risque d'être dérangé. Ainsi, le jeune homme a-t-il attendu son violeur à l'endroit indiqué et l'a interpellé par son pseudonyme de l'époque. L'adulte s'est retourné pour demander qui l'appelait encore par cette appellation. Le jeune homme se montra et déclina son identité en lui rappelant son crime. L'adulte essaya de demander pardon de ce jeune homme dont le ton crachait le feu. Mais ce ton conciliateur n'a pas calmé le jeune homme qui a asséné un violent coup de poignard à son bourreau d'enfance et l'a laissé giser dans son sang. Il s'est rendu tout de suite à la police pour se dénoncer. La victime a été sauvée d'une mort certaine. Le jeune homme raconte son histoire en expliquant qu'il n'avait pas pu chasser le spectre de vengeance de son esprit. Il a dit qu'il n'avait eu de remords qu'après coup. Sa défense a demandé une expertise médicale. Le Tribunal a donné une suite favorable à la demande de l'avocat de la défense et l'affaire a été renvoyée à une date ultérieure.