Kamel Idir sait se faire diplomate. Et il sait jouer sur l'imaginaire clubiste. Bien sûr, on ne peut pas lui reprocher sa gymnastique verbale, sa tactique à apaiser les passions, en rappelant les erreurs du passé. Il sort, donc, l'argument massue paru, hier, sur les colonnes de notre consœur Assabah : « Nous ne limogeons pas Ben Chikha et nous ne commettrons pas la même faute qu'avec Balaci ». Celui-ci avait été poussé vers la porte après avoir remporté quatre titres en une seule saison. Un doublé, une Coupe afro-asiatique et une Ligue africaine des champions. Des voix s'élèvent, en l'occurrence, pour éloigner le faiseur de magie noire. C'est burlesque, mais c'est la vérité. Kamel Idir n'est pas Saïd Néji. Et Ben Chikha n'est pas Balaci. Mais les milieux clubistes ont des humeurs volatiles, parfois irrationnelles. Les cotations de tel ou tel peuvent enregistrer des pics importants. Et tout de suite après chuter comme entraînées dans un crash boursier. Après l'élimination en Coupe de la CAF, Ben Chikha était porté aux nues. Après le titre de la saison écoulée, il était presque sanctifié. Aujourd'hui, il file du très mauvis coton et il ne sait plus à quel saint (clubiste) se vouer, puisque ses anges gardiens le quittent. Bien entendu, il réagit à sa manière. Tantôt irascible et épidermique. Tantôt bienséant et diplomate et ça ne lui va pas. Mais il demande, légitimement, qu'on lui dise où il en est, ce qu'il adviendra de lui après la défaite contre le Club Sfaxien et s'il sera limogé comme l'annoncent quinze fois par jour nos chères feuilles de choux. Le problème est plus profond, néanmoins. Kamel Idir et Ben Chikha, on le sait, ne sont pas les meilleurs amis du monde. Ils communiquent selon les codes stéréotypés du président du club et l'entraîneur-salarié. Pas d'effusions sentimentales et, donc, pas de sympathies particulières. Ben Chikha reproche à Kamel Idir son sens un peu trop cultivé de la mesure et le manque de célérité dans les prises de position. Kamel Idir, lui, trouve son entraîneur un peu trop bouillonnant et, parfois, cassant. Il lui reproche, entre autres (et il n'est pas le seul), de vouloir toujours rappeler qu'il est algérien et, donc, « intraitable ». Nous savons tous que c'est de la mythologie. Sauf qu'un président de club trop diplomate et un entraîneur trop bouillonnant font difficilement bon ménage. Ben Chikha rappelle à l'envi la valeur de la parole donnée. Il avait promis de rester au Club Africain, au lendemain du championnat, et il a tenu parole malgré des offres juteuses. Il est en droit de ressentir ce dépit. Mais la carrière d'entraîneur c'est cela aussi : rien n'est sûr, rien n'est acquis, rien n'est garanti. Capello remporte le titre avec le Real, et il est limogé. Même chose pour Mancini à l'Inter. Et pour Faouzi Benzarti à l'Etoile. Et, à la fin des fins, celui qui se retrouve face à un sérieux dilemme c'est bien Kamel Idir. Il ne veut pas commettre la même erreur que Saïd Néji avec Balaci. Mais il ne veut pas, non plus, devoir se justifier s'il ne limoge pas Ben Chikha. La même torture qu'on lui a fait subir avec Marchand.