Si, au nom du professionnalisme, un « professionnel » payé à coup de milliers de dinars, envoie « balader » son président de club parce que son entraîneur a jugé utile de le remplacer en cours de match, cela veut dire que le football est en train de pourrir. Loin de l'ennoblir, loin de le renvoyer aux normes éthiques, ce que nous appelons communément « professionnalisme » se traduit par une dangereuse libération des mœurs et par l'irruption de ces « fin de race » sans modèle et, finalement, sans retenue. Le professionnalisme n'est pas uniquement un statut. C'est aussi l'art d'exercer un métier. Sans discipline, sans auto-discipline, rien ne se fait. Au demeurant, le football tunisien en arrive à regretter ses années de romantisme, où l'amateurisme – pourtant stigmatisé et tourné même en dérision – avait ses règles propres. Et des règles même autrement plus coercitives, draconiennes, plus contraignantes que n'en puisse prétendre secréter l'actuel professionnalisme des brebis galeuses. Si Ben Chikha décide de remplacer Dhaouadi, celui-ci doit s'exécuter. Et lorsqu'il le fait de mauvaise grâce, (tout le monde l'a vu), le monsieur sur la touche, envers lequel il a osé un geste de dédain, n'est autre que son président Kamel Iddir, président désigné par consensus et donc, premier responsable du club. Une remarque néanmoins : la présence des présidents de clubs les expose à ce genre de réactions, aux prises de becs avec arbitres, avec forces de l'ordre et cela les banalise. Chiboub, lui-même, l'homme qui avait lancé cette mode a bien déclaré, rétrospectivement, qu'il déconseillait à ses pairs présidents de clubs de faire comme lui, c'est à dire prendre place sur le banc. Avec Chiboub on connaît la logique : « Ne faites pas ce que je fais ». D'accord, le geste de Dhaouadi est condamnable. Mais ce qui l'est davantage c'est le laxisme du bureau du Club Africain. Le joueur est suspendu pour deux matches ; suspension assortie de sursis. Ridicule. Autant lui refiler une petite enveloppe ou alors – pourquoi pas ! – lui présenter des excuses pour l'avoir remplacé en cours de match. Or, si Hassen Bayou, délégué de l'équipe seniors, réagit et décide de démissionner, c'est parce qu'il appartient à une génération qui a grandi dans l'ombre de dirigeants forts. Azzouz Lasram, par exemple, ou un Férid Mokhtar, prototypes de ce qu'était le charisme des présidents clubistes des années, comment dire, « puritaines ». Bayou a été aux ordres d'un certain Nagy. Rarement titulaire, c'était le remplaçant le plus redouté du pays et des Espérantistes. Il entrait en cours de match contre l'Espérance, marquait et faisait gagner son équipe. Et le dimanche d'après, il était encore remplaçant. Il n'a jamais rouspété, ni fait de geste à l'endroit de son président qui ne s'essayait pas sur le banc. C'est ce qui explique sa décision de se retirer. Car, ce qui se déploie devant ses yeux, n'est pas dans sa culture.