La mort de Miriam Makeba interpelle les consciences sur la force de l'engagement. Avec ses chefs-d'œuvre comme « Pata Pata », Mama Africa aura sillonné le monde en long et en large, portant haut la voix de l'Afrique, conquérant même New York en 54, c'est-à-dire, un demi-siècle avant que n'arrive Obama ! Miriam Makeba représente un pan de notre histoire. Elle incarna des espoirs de justice, voua son talent, sa vie, sa force à la lutte contre l'Apartheid, chantant Mandela dans ses tournées durant trente et un ans d'exil, et implorant les Africains de se tendre la main, à s'affranchir, à se relever et à marcher. Elle fait partie de notre vécu. De notre jeunesse. Tous les courants de jeunesse auront cherché à la récupérer durant les années de braise, là, où le prêt-à-porter idéologique était de bon ton et même à la mode. Communistes, Trotskystes, Gauchistes, Progressistes, Soixante-huitards : même les perspectivistes de chez nous, à l'époque, se bousculaient devant sa loge. Non, elle n'a cédé à aucun endoctrinement. Dans sa beauté, sa volupté de tigresse d'allure embourgeoisée, elle portait les stigmates de cette Afrique mal partie - comme l'a écrit René Dumont - et encore plus mal partie maintenant. Quelque part, elle dérangeait ses pairs. Les potentats africains assis sur des montagnes de diamants et marchant sur les cadavres. « Pata Pata », cette chanson-symbole, préconisait l'arrivée imminente d'une délivrance, de la réhabilitation et du raffermissement des racines. A-t-elle fait des émules ? Pas vraiment. Car, une lourde confusion accompagnera Makeba jusque dans sa tombe. Son problème n'était pas sa couleur. Elle n'était pas vraiment dans la logique identitaire de Senghor, dans sa réhabilitation de la négritude, plateau exotique servi aux anciens colonisateurs. Elle ne pouvait pas être, non plus, l'icône au féminin d'un Jean Paul Sartre, libérant « Orphee Noir », avec des accents vindicatifs. Non, son combat fut systémique. Elle se battait contre les appareils à broyer la dignité humaine. La chute de l'Apartheid lui donna raison. Imaginons un peu ce qu'elle aurait pu dire sur la victoire d'Obama : « Il est noir comme nous, mais il ne doit rien à l'Afrique ». Parce qu'elle est morte endeuillée. Comme l'est l'Afrique actuelle.